11. Du petit nombre de ceux qui aiment la Croix de Jésus-Christ
1.Il y en a beaucoup qui désirent le céleste royaume de Jésus, mais peu consentent à
porter sa Croix.
Beaucoup souhaitent ses consolations, mais peu aiment ses souffrances.
Il trouve beaucoup de compagnons de sa table, mais peu de son abstinence.
Tous veulent partager sa joie; mais peu veulent souffrir quelque chose pour lui.
Plusieurs suivent Jésus jusqu'à la fraction du pain, mais peu jusqu'à boire le calice de
sa passion.
Plusieurs admirent ses miracles; mais peu goûtent l'ignominie de sa Croix.
Plusieurs aiment Jésus pendant qu'il ne leur arrive aucune adversité.
Plusieurs le louent et le bénissent, tandis qu'ils reçoivent ses consolations.
Mais si Jésus se cache et les délaisse un moment, ils tombent dans le murmure ou dans
un excessif abattement.
2.Mais ceux qui aiment Jésus pour Jésus et non pour eux-mêmes, le bénissent dans toutes
les tribulations et dans l'angoisse du coeur comme dans les consolations les plus
douces.
Et quand il ne voudrait jamais les consoler, toujours cependant ils le loueraient,
toujours ils lui rendraient grâces.
3.Oh ! que ne peut l'amour de Jésus, quand il est pur et sans mélange d'amour ni d'intérêt
propre !
Ne sont-ce pas des mercenaires ceux qui cherchent toujours des consolations ?
Ne prouvent-ils pas qu'ils s'aiment eux-mêmes plus que Jésus-Christ, ceux qui pensent
toujours à leurs gains et à leurs avantages ?
Où trouvera-t'on quelqu'un qui veuille servir Dieu pour Dieu seul ?
4.Rarement on rencontre un homme assez avancé dans les voies spirituelles pour être
dépouillé de tout.
Car le véritable pauvre d'esprit, détaché de toute créature, qui le trouvera ? Il faut le
chercher bien loin, et jusqu'aux extrémités de la terre.
Si l'homme donne tout ce qu'il possède, ce n'est encore rien.
S'il fait une grande pénitence, c'est peu encore.
Et s'il embrasse toutes les sciences, il est encore loin.
Et s'il a une grande vertu et une piété fervente, il lui manque encore beaucoup, il lui
manque une chose souverainement nécessaire.
Qu'est-ce encore ? C'est qu'après avoir tout quitté, il se quitte aussi lui-même et se
dépouille entièrement de l'amour de soi.
C'est enfin qu'après avoir fait tout ce qu'il sait devoir faire, il pense encore n'avoir rien
fait.
5.Qu'il estime peu ce qu'on pourrait regarder comme quelque chose de grand, et qu'en
toute sincérité il confesse qu'il est un serviteur inutile, selon la parole de la Vérité:
Quand vous aurez fait tout ce qui vous est commandé, dites: Nous sommes des
serviteurs inutiles.
Alors il sera vraiment pauvre et séparé de tout en esprit, et il pourra dire avec le
prophète: Oui, je suis pauvre et seul dans le monde.
Nul cependant n'est plus riche, plus puissant, plus libre, que celui qui sait quitter tout et
soi-même, et se mettre au dernier rang.
12. De la sainte voie de la Croix
1.Cette parole semble dure à plusieurs: Renoncez à vous-mêmes, prenez votre Croix, et
suivez Jésus.
Mais il sera bien plus dur, au dernier jour, d'entendre cette parole: Retirez-vous de moi,
maudits, allez au feu éternel !
Ceux qui écoutent maintenant volontiers la parole qui commande de porter la Croix, et
qui y obéissent, ne craindront point alors d'entendre l'arrêt d'une éternelle
condamnation.
Ce signe de la Croix sera dans le Ciel lorsque le Seigneur viendra pour juger.
Alors tous les disciples de la Croix, qui auront imité pendant leur vie Jésus crucifié,
s'approcheront avec une grande confiance de Jésus-Christ juge.
2.Pourquoi donc craignez-vous de porter la Croix, par laquelle on arrive au royaume du
ciel ?
Dans la Croix est le salut, dans la Croix la vie, dans la Croix la protection contre nos
ennemis.
C'est de la Croix que découlent les suavités célestes.
Dans la Croix est la force de l'âme; dans la Croix la joie de l'esprit, la consommation de
la vertu, la perfection de la sainteté.
Il n'y a de salut pour l'âme et d'espérance de vie éternelle, que dans la Croix.
Prenez donc votre Croix et suivez Jésus, et vous parviendrez à l'éternelle félicité.
Il vous a précédé portant sa Croix et il est mort pour vous sur la Croix afin que vous
aussi vous portiez votre Croix, et que vous aspiriez à mourir sur la Croix.
Car si vous mourez avec lui, vous vivrez aussi avec lui; et si vous partagez ses
souffrances, vous partagerez sa gloire.
3.Ainsi tout est dans la Croix, et tout consiste à mourir. Il n'est point d'autre voie qui
conduise à la vie et à la véritable paix du coeur que la voie de la Croix et d'une
mortification continuelle.
Allez où vous voudrez, cherchez tout ce que vous voudrez, vous ne trouverez pas
au-dessus une voie plus élevée, au-dessous une voie plus sûre que la voie de la sainte
Croix.
Disposez de tout selon vos vues, réglez tout selon vos désirs, et toujours vous
trouverez qu'il vous faut souffrir quelque chose, que vous le vouliez ou non; et ainsi
vous trouverez toujours la Croix.
Car, ou vous sentirez de la douleur dans le corps, ou vous éprouverez de l'amertume
dans l'âme.
4.Tantôt vous serez délaissé de Dieu, tantôt exercé par le prochain, et, ce qui est plus
encore, vous serez souvent à charge à vous-même.
Vous ne trouverez à vos peines aucun remède, aucun soulagement; mais il vous faudra
souffrir aussi longtemps que Dieu le voudra.
Car Dieu veut que vous appreniez à souffrir sans consolations et que vous vous
soumettiez à lui sans réserve, et que vous deveniez plus humble par la tribulation.
Nul n'a si avant dans son coeur la passion de Jésus-Christ que celui qui a souffert
quelque chose de semblable.
La Croix est donc toujours préparée; elle vous attend partout.
Vous ne pouvez la fuir, quelque part que vous alliez; puisque partout où vous irez,
vous vous porterez et vous trouverez toujours vous-même.
Elevez-vous, abaissez-vous, sortez de vous-même, rentrez-y; toujours vous trouverez
la Croix; et il faut que partout vous preniez patience, si vous voulez la paix intérieure
et mériter la couronne immortelle.
5.Si vous portez de bon coeur la Croix, elle-même vous portera et vous conduira au
terme désiré, où vous cesserez de souffrir; mais ce ne sera pas en ce monde.
Si vous la portez à regret, vous en augmentez le poids, vous rendez votre fardeau plus
dur, et cependant il vous faut la porter.
Si vous rejetez une Croix, vous en trouverez certainement une autre, et peut-être plus
pesante.
6.Croyez-vous échapper à ce que nul homme n'a pu éviter ? Quel saint a été dans ce
monde sans croix et sans tribulation ?
Jésus-Christ lui-même, Notre-Seigneur, n'a pas été une seule heure dans toute sa vie
sans éprouver quelque souffrance: Il fallait, dit-il, que le Christ souffrît, et qu'il
ressuscitât d'entre les morts, et qu'il entrât ainsi dans sa gloire.
Comment donc cherchez-vous une autre voie que la voie royale de la sainte Croix ?
7.Toute la vie de Jésus-Christ n'a été qu'une croix et un long martyre, et vous cherchez le
repos et la joie !
Vous vous trompez, n'en doutez pas; vous vous trompez lamentablement si vous
cherchez autre chose que les afflictions à souffrir; car toute cette vie mortelle est pleine
de misères et environnée de croix.
Et plus un homme aura fait de progrès dans les voies spirituelles, plus ses croix
souvent seront pesantes, parce que l'amour lui rend son exil plus douloureux.
8.Cependant celui que Dieu éprouve par tant de peines n'est pas sans consolations qui les
adoucissent, parce qu'il sent s'accroître les fruits de sa patience à porter sa Croix.
Car, lorsqu'il s'incline volontairement sous elle, l'affliction qui l'accablait se change
toute entière en une douce confiance qui le console.
Et plus la chair est affligée, brisée, plus l'esprit est fortifié intérieurement par la grâce.
Quelquefois même le désir de souffrir pour être conforme à Jésus crucifié lui inspire
tant de force, qu'il ne voudrait pas être exempt de tribulations et de douleur, parce qu'il
se croit d'autant plus agréable à Dieu, qu'il souffre pour lui davantage.
Ce n'est point là la vertu de l'homme, mais la grâce de Jésus-Christ, qui opère
puissamment dans une chair infirme, que tout ce qu'elle abhorre et fuit naturellement,
elle l'embrasse et l'aime par la ferveur de l'esprit.
9.Il n'est pas selon l'homme de porter la Croix, d'aimer la Croix, de châtier le corps, de le
réduire en servitude, de fuir les honneurs, de souffrir volontiers les outrages, de se
mépriser soi-même et de souhaiter d'être méprisé, de supporter les afflictions et les
pertes, et de ne désirer aucune prospérité dans ce monde.
Si vous ne regardez que vous, vous ne pouvez rien de tout cela.
Mais si vous vous confiez dans le Seigneur, la force vous sera donnée d'en haut et vous
aurez pouvoir sur la chair et le monde.
Vous ne craindrez pas même le démon, votre ennemi, si vous êtes armé de la foi et
marqué de la Croix de Jésus-Christ.
10.Disposez-vous donc, comme un bon et fidèle serviteur de Jésus-Christ, à porter
courageusement la Croix de votre Maître, crucifié par amour pour vous.
Préparez-vous à souffrir mille adversités, mille traverses dans cette misérable vie; car
voilà partout ce qui vous attend, ce que vous trouverez partout, en quelque lieu que
vous vous cachiez.
Il faut qu'il en soit ainsi, et à cette foule de maux et de douleurs il n'y a d'autre remède
que de vous supporter vous-même.
Buvez avec joie le calice du Sauveur, si son amour vous est cher et si vous désirez
avoir part à sa gloire.
Laissez Dieu disposer de ses consolations; qu'il les répande comme il lui plaira.
Pour vous, choisissez les souffrances et regardez-les comme des consolations d'un
grand prix, car toutes les souffrances du temps n'ont aucune proportion avec la gloire
future, et ne sauraient vous la mériter, quand seul vous les supporteriez toutes.
11.Lorsque vous en serez venu à trouver la souffrance douce et à l'aimer pour
Jésus-Christ, alors estimez-vous heureux, parce que vous avez trouvé le paradis sur la
terre.
Mais, tandis que la souffrance vous sera amère et que vous la fuirez, vous vivrez dans
le trouble, et la tribulation que vous fuirez vous suivra partout.
12.Si vous vous appliquez à être ce que vous devez être, à souffrir et à mourir, bientôt vos
peines s'évanouiront et vous aurez la paix.
Quand vous auriez été ravi, avec Paul, jusqu'au troisième ciel, vous ne seriez pas pour
cela assuré de ne rien souffrir. Je lui montrerai, dit Jésus, combien il faut qu'il souffre
pour mon nom.
Il ne vous reste donc qu'à souffrir, si vous voulez aimer Jésus et le servir constamment.
13.Plût à Dieu que vous fussiez digne de souffrir quelque chose pour le nom de Jésus !
Quelle gloire vous serait réservée ! Quelle joie parmi tous les saints ! Quelle
édification pour le prochain !
Car tous recommandent la patience, quoique peu cependant veuillent souffrir.
Avec quelle joie vous devriez souffrir quelque chose pour Jésus, lorsque tant d'autres
souffrent beaucoup plus pour le monde !
14.Sachez et croyez fermement que votre vie doit être une mort continuelle, et que plus on
meurt à soi-même, plus on commence à vivre pour Dieu.
Nul n'est propre à comprendre les choses du ciel, s'il ne se soumet à supporter les
adversités pour Jésus-Christ.
Rien n'est plus agréable à Dieu, rien ne vous est plus salutaire en ce monde, que de
souffrir avec joie pour Jésus-Christ; et si vous aviez à choisir, vous devriez plutôt
souhaiter d'être affligé pour lui que d'être comblé de consolations, parce que vous
seriez alors plus semblable à Jésus-Christ et plus conforme à tous les saints.
Car notre mérite et notre progrès dans la perfection ne consistent point dans la douceur
et l'abondance des consolations, mais plutôt dans la force de supporter de grandes
tribulations et de pesantes épreuves.
15.S'il y avait eu pour l'homme quelque chose de meilleur et de plus utile que de souffrir,
Jésus-Christ nous l'aurait appris par ses paroles et par son exemple.
Or, manifestement, il exhorte à porter sa Croix, et les disciples qui le suivaient, et tous
ceux qui voudraient le suivre, disant: Si quelqu'un veut marcher sur mes pas, qu'il
renonce à soi-même, qu'il porte sa Croix, et qu'il me suive.
Après donc avoir tout lu, tout examiné, concluons enfin qu'il nous faut passer par
beaucoup de tribulations pour entrer dans le royaume de Dieu.
1.Il y en a beaucoup qui désirent le céleste royaume de Jésus, mais peu consentent à
porter sa Croix.
Beaucoup souhaitent ses consolations, mais peu aiment ses souffrances.
Il trouve beaucoup de compagnons de sa table, mais peu de son abstinence.
Tous veulent partager sa joie; mais peu veulent souffrir quelque chose pour lui.
Plusieurs suivent Jésus jusqu'à la fraction du pain, mais peu jusqu'à boire le calice de
sa passion.
Plusieurs admirent ses miracles; mais peu goûtent l'ignominie de sa Croix.
Plusieurs aiment Jésus pendant qu'il ne leur arrive aucune adversité.
Plusieurs le louent et le bénissent, tandis qu'ils reçoivent ses consolations.
Mais si Jésus se cache et les délaisse un moment, ils tombent dans le murmure ou dans
un excessif abattement.
2.Mais ceux qui aiment Jésus pour Jésus et non pour eux-mêmes, le bénissent dans toutes
les tribulations et dans l'angoisse du coeur comme dans les consolations les plus
douces.
Et quand il ne voudrait jamais les consoler, toujours cependant ils le loueraient,
toujours ils lui rendraient grâces.
3.Oh ! que ne peut l'amour de Jésus, quand il est pur et sans mélange d'amour ni d'intérêt
propre !
Ne sont-ce pas des mercenaires ceux qui cherchent toujours des consolations ?
Ne prouvent-ils pas qu'ils s'aiment eux-mêmes plus que Jésus-Christ, ceux qui pensent
toujours à leurs gains et à leurs avantages ?
Où trouvera-t'on quelqu'un qui veuille servir Dieu pour Dieu seul ?
4.Rarement on rencontre un homme assez avancé dans les voies spirituelles pour être
dépouillé de tout.
Car le véritable pauvre d'esprit, détaché de toute créature, qui le trouvera ? Il faut le
chercher bien loin, et jusqu'aux extrémités de la terre.
Si l'homme donne tout ce qu'il possède, ce n'est encore rien.
S'il fait une grande pénitence, c'est peu encore.
Et s'il embrasse toutes les sciences, il est encore loin.
Et s'il a une grande vertu et une piété fervente, il lui manque encore beaucoup, il lui
manque une chose souverainement nécessaire.
Qu'est-ce encore ? C'est qu'après avoir tout quitté, il se quitte aussi lui-même et se
dépouille entièrement de l'amour de soi.
C'est enfin qu'après avoir fait tout ce qu'il sait devoir faire, il pense encore n'avoir rien
fait.
5.Qu'il estime peu ce qu'on pourrait regarder comme quelque chose de grand, et qu'en
toute sincérité il confesse qu'il est un serviteur inutile, selon la parole de la Vérité:
Quand vous aurez fait tout ce qui vous est commandé, dites: Nous sommes des
serviteurs inutiles.
Alors il sera vraiment pauvre et séparé de tout en esprit, et il pourra dire avec le
prophète: Oui, je suis pauvre et seul dans le monde.
Nul cependant n'est plus riche, plus puissant, plus libre, que celui qui sait quitter tout et
soi-même, et se mettre au dernier rang.
12. De la sainte voie de la Croix
1.Cette parole semble dure à plusieurs: Renoncez à vous-mêmes, prenez votre Croix, et
suivez Jésus.
Mais il sera bien plus dur, au dernier jour, d'entendre cette parole: Retirez-vous de moi,
maudits, allez au feu éternel !
Ceux qui écoutent maintenant volontiers la parole qui commande de porter la Croix, et
qui y obéissent, ne craindront point alors d'entendre l'arrêt d'une éternelle
condamnation.
Ce signe de la Croix sera dans le Ciel lorsque le Seigneur viendra pour juger.
Alors tous les disciples de la Croix, qui auront imité pendant leur vie Jésus crucifié,
s'approcheront avec une grande confiance de Jésus-Christ juge.
2.Pourquoi donc craignez-vous de porter la Croix, par laquelle on arrive au royaume du
ciel ?
Dans la Croix est le salut, dans la Croix la vie, dans la Croix la protection contre nos
ennemis.
C'est de la Croix que découlent les suavités célestes.
Dans la Croix est la force de l'âme; dans la Croix la joie de l'esprit, la consommation de
la vertu, la perfection de la sainteté.
Il n'y a de salut pour l'âme et d'espérance de vie éternelle, que dans la Croix.
Prenez donc votre Croix et suivez Jésus, et vous parviendrez à l'éternelle félicité.
Il vous a précédé portant sa Croix et il est mort pour vous sur la Croix afin que vous
aussi vous portiez votre Croix, et que vous aspiriez à mourir sur la Croix.
Car si vous mourez avec lui, vous vivrez aussi avec lui; et si vous partagez ses
souffrances, vous partagerez sa gloire.
3.Ainsi tout est dans la Croix, et tout consiste à mourir. Il n'est point d'autre voie qui
conduise à la vie et à la véritable paix du coeur que la voie de la Croix et d'une
mortification continuelle.
Allez où vous voudrez, cherchez tout ce que vous voudrez, vous ne trouverez pas
au-dessus une voie plus élevée, au-dessous une voie plus sûre que la voie de la sainte
Croix.
Disposez de tout selon vos vues, réglez tout selon vos désirs, et toujours vous
trouverez qu'il vous faut souffrir quelque chose, que vous le vouliez ou non; et ainsi
vous trouverez toujours la Croix.
Car, ou vous sentirez de la douleur dans le corps, ou vous éprouverez de l'amertume
dans l'âme.
4.Tantôt vous serez délaissé de Dieu, tantôt exercé par le prochain, et, ce qui est plus
encore, vous serez souvent à charge à vous-même.
Vous ne trouverez à vos peines aucun remède, aucun soulagement; mais il vous faudra
souffrir aussi longtemps que Dieu le voudra.
Car Dieu veut que vous appreniez à souffrir sans consolations et que vous vous
soumettiez à lui sans réserve, et que vous deveniez plus humble par la tribulation.
Nul n'a si avant dans son coeur la passion de Jésus-Christ que celui qui a souffert
quelque chose de semblable.
La Croix est donc toujours préparée; elle vous attend partout.
Vous ne pouvez la fuir, quelque part que vous alliez; puisque partout où vous irez,
vous vous porterez et vous trouverez toujours vous-même.
Elevez-vous, abaissez-vous, sortez de vous-même, rentrez-y; toujours vous trouverez
la Croix; et il faut que partout vous preniez patience, si vous voulez la paix intérieure
et mériter la couronne immortelle.
5.Si vous portez de bon coeur la Croix, elle-même vous portera et vous conduira au
terme désiré, où vous cesserez de souffrir; mais ce ne sera pas en ce monde.
Si vous la portez à regret, vous en augmentez le poids, vous rendez votre fardeau plus
dur, et cependant il vous faut la porter.
Si vous rejetez une Croix, vous en trouverez certainement une autre, et peut-être plus
pesante.
6.Croyez-vous échapper à ce que nul homme n'a pu éviter ? Quel saint a été dans ce
monde sans croix et sans tribulation ?
Jésus-Christ lui-même, Notre-Seigneur, n'a pas été une seule heure dans toute sa vie
sans éprouver quelque souffrance: Il fallait, dit-il, que le Christ souffrît, et qu'il
ressuscitât d'entre les morts, et qu'il entrât ainsi dans sa gloire.
Comment donc cherchez-vous une autre voie que la voie royale de la sainte Croix ?
7.Toute la vie de Jésus-Christ n'a été qu'une croix et un long martyre, et vous cherchez le
repos et la joie !
Vous vous trompez, n'en doutez pas; vous vous trompez lamentablement si vous
cherchez autre chose que les afflictions à souffrir; car toute cette vie mortelle est pleine
de misères et environnée de croix.
Et plus un homme aura fait de progrès dans les voies spirituelles, plus ses croix
souvent seront pesantes, parce que l'amour lui rend son exil plus douloureux.
8.Cependant celui que Dieu éprouve par tant de peines n'est pas sans consolations qui les
adoucissent, parce qu'il sent s'accroître les fruits de sa patience à porter sa Croix.
Car, lorsqu'il s'incline volontairement sous elle, l'affliction qui l'accablait se change
toute entière en une douce confiance qui le console.
Et plus la chair est affligée, brisée, plus l'esprit est fortifié intérieurement par la grâce.
Quelquefois même le désir de souffrir pour être conforme à Jésus crucifié lui inspire
tant de force, qu'il ne voudrait pas être exempt de tribulations et de douleur, parce qu'il
se croit d'autant plus agréable à Dieu, qu'il souffre pour lui davantage.
Ce n'est point là la vertu de l'homme, mais la grâce de Jésus-Christ, qui opère
puissamment dans une chair infirme, que tout ce qu'elle abhorre et fuit naturellement,
elle l'embrasse et l'aime par la ferveur de l'esprit.
9.Il n'est pas selon l'homme de porter la Croix, d'aimer la Croix, de châtier le corps, de le
réduire en servitude, de fuir les honneurs, de souffrir volontiers les outrages, de se
mépriser soi-même et de souhaiter d'être méprisé, de supporter les afflictions et les
pertes, et de ne désirer aucune prospérité dans ce monde.
Si vous ne regardez que vous, vous ne pouvez rien de tout cela.
Mais si vous vous confiez dans le Seigneur, la force vous sera donnée d'en haut et vous
aurez pouvoir sur la chair et le monde.
Vous ne craindrez pas même le démon, votre ennemi, si vous êtes armé de la foi et
marqué de la Croix de Jésus-Christ.
10.Disposez-vous donc, comme un bon et fidèle serviteur de Jésus-Christ, à porter
courageusement la Croix de votre Maître, crucifié par amour pour vous.
Préparez-vous à souffrir mille adversités, mille traverses dans cette misérable vie; car
voilà partout ce qui vous attend, ce que vous trouverez partout, en quelque lieu que
vous vous cachiez.
Il faut qu'il en soit ainsi, et à cette foule de maux et de douleurs il n'y a d'autre remède
que de vous supporter vous-même.
Buvez avec joie le calice du Sauveur, si son amour vous est cher et si vous désirez
avoir part à sa gloire.
Laissez Dieu disposer de ses consolations; qu'il les répande comme il lui plaira.
Pour vous, choisissez les souffrances et regardez-les comme des consolations d'un
grand prix, car toutes les souffrances du temps n'ont aucune proportion avec la gloire
future, et ne sauraient vous la mériter, quand seul vous les supporteriez toutes.
11.Lorsque vous en serez venu à trouver la souffrance douce et à l'aimer pour
Jésus-Christ, alors estimez-vous heureux, parce que vous avez trouvé le paradis sur la
terre.
Mais, tandis que la souffrance vous sera amère et que vous la fuirez, vous vivrez dans
le trouble, et la tribulation que vous fuirez vous suivra partout.
12.Si vous vous appliquez à être ce que vous devez être, à souffrir et à mourir, bientôt vos
peines s'évanouiront et vous aurez la paix.
Quand vous auriez été ravi, avec Paul, jusqu'au troisième ciel, vous ne seriez pas pour
cela assuré de ne rien souffrir. Je lui montrerai, dit Jésus, combien il faut qu'il souffre
pour mon nom.
Il ne vous reste donc qu'à souffrir, si vous voulez aimer Jésus et le servir constamment.
13.Plût à Dieu que vous fussiez digne de souffrir quelque chose pour le nom de Jésus !
Quelle gloire vous serait réservée ! Quelle joie parmi tous les saints ! Quelle
édification pour le prochain !
Car tous recommandent la patience, quoique peu cependant veuillent souffrir.
Avec quelle joie vous devriez souffrir quelque chose pour Jésus, lorsque tant d'autres
souffrent beaucoup plus pour le monde !
14.Sachez et croyez fermement que votre vie doit être une mort continuelle, et que plus on
meurt à soi-même, plus on commence à vivre pour Dieu.
Nul n'est propre à comprendre les choses du ciel, s'il ne se soumet à supporter les
adversités pour Jésus-Christ.
Rien n'est plus agréable à Dieu, rien ne vous est plus salutaire en ce monde, que de
souffrir avec joie pour Jésus-Christ; et si vous aviez à choisir, vous devriez plutôt
souhaiter d'être affligé pour lui que d'être comblé de consolations, parce que vous
seriez alors plus semblable à Jésus-Christ et plus conforme à tous les saints.
Car notre mérite et notre progrès dans la perfection ne consistent point dans la douceur
et l'abondance des consolations, mais plutôt dans la force de supporter de grandes
tribulations et de pesantes épreuves.
15.S'il y avait eu pour l'homme quelque chose de meilleur et de plus utile que de souffrir,
Jésus-Christ nous l'aurait appris par ses paroles et par son exemple.
Or, manifestement, il exhorte à porter sa Croix, et les disciples qui le suivaient, et tous
ceux qui voudraient le suivre, disant: Si quelqu'un veut marcher sur mes pas, qu'il
renonce à soi-même, qu'il porte sa Croix, et qu'il me suive.
Après donc avoir tout lu, tout examiné, concluons enfin qu'il nous faut passer par
beaucoup de tribulations pour entrer dans le royaume de Dieu.