Sur cette parole du prophète :
"Moi, le Seigneur Dieu, J'ai fait la lumière et les ténèbres,
Je donne la paix et j'envoie les maux." (Is 45,7)
Bien courtes sont ces paroles, mais elles nous ouvrent une source de
miel, du miel le
plus suave et qui n'engendre jamais le dégoût. Le miel
matériel produit une agréable
sensation qui s'arrête à la langue, puis il s'altère
et se corrompt : le miel de la
doctrine pénètre jusqu'à la conscience, l'inonde
d'une perpétuelle joie, et devient en
nous le principe de l'incorruptible vie. Celui-là se compose
du suc des plantes, et
celui-ci des sentences de nos livres saints. C'est de ce dernier que
vous a nourris avec
abondance le maître dont vous venez de recueillir le magnifique
enseignement; il a
remporté le prix de l'obéissance, il vous a montré
la force de la charité et la noblesse
de la foi. Courage, et nous aussi nous allons vous servir avec allégresse
la table
accoutumée; car c'est un grand bonheur pour nous de voir une
multitude aussi
compacte dans cette enceinte sacrée, alors que des jeux si brillants
se célèbrent dans
l'hippodrome. Vous avez méprisé ce spectacle; nous voulons
donc placer devant vous
une coupe remplie jusqu'au bord, une coupe qui, bien loin de produire
l'ivresse, fait
naître la sobriété. Tel est le vin des Écritures,
tels sont les mets étalés sur notre
table : ils n'engraissent pas la chair. En disant cela, ce n'est pas
la nature même de la
chair que nous prétendons condamner, nous mettons seulement
bien au-dessus la
dignité de l'âme; ce n'est pas l'usage que nous repoussons,
nous flétrissons l'abus et
l'excès. Si nous nous élevons à des considérations
spirituelles, encore ne devons-nous
pas donner prise aux fausses spéculations de l'hérésie.
Sans doute le corps est
inférieur à l'âme, mais il n'est pas l'opposé
de l'âme : elle est une substance simple,
tandis qu'il demeure sujet aux passions. Dieu dans son art infini n'a
pas formé cet
univers d'une seule substance, ni de deux ou de trois; Il a créé
des natures multiples
et diverses, afin de manifester dans la diversité des êtres
les trésors de sa Sagesse et
la grandeur de son Pouvoir. Il n'a pas seulement créé
le ciel, Il a de plus créé la
terre; et non seulement la terre mais encore le soleil; avec le soleil,
la lune; avec la
lune, les étoiles, l'air, les nuées; et pour redescendre
de l'air sur la terre, les lacs, les
sources, les fleuves, les montagnes, les vallées, les collines,
les près, les jardins,
toutes les sortes de germes et de plantes, toutes les formes et toutes
les énergies de
la nature, tout ce que nous pouvons apercevoir dans cet univers; de
telle sorte que, si
nous le parcourons de la pensée, nous nous écrierons
avec le prophète : "Que tes
oeuvres sont grandes, Seigneur ! Tu as tout fait dans la sagesse."
(Ps 103,24)
Le théâtre a-t-il pour vous tant d'attrait, laissez là
celui de Satan, et venez à ce
théâtre divin. Aimez-vous les accords de la lyre, quittez
les mélodies qu'on entend
dans le mon-de, concentrez les forces de votre entendement, et venez
écouter cette
mélodie spirituelle qui donnera l'essor à votre pensée,
où se retrempera la vigueur de
votre âme. Voyez comme ces sons divers et ces cordes distinctes
font remonter vers
Dieu l'Artiste suprême, un concert où règnent pleinement
l'unité et l'harmonie. La
voix qui s'élève de toutes les créatures se forme
de mille voix, mais n'exprime qu'une
seule et même pensée, celle de glorifier le Créateur.
Chaque corde résonne à part,
toutes résonnent en-semble. Pour vous faire une idée
du son spécial qu'elles rendent,
touchez par la pensée la corde du ciel, et vous l'entendrez
soudain élever sa grande
voix pour rendre gloire à Dieu. Le prophète le savait
bien quand il disait : "Les cieux
racontent la Gloire de Dieu, et le firmament annonce l'oeuvre de ses
Mains." (Ps
18,2) De cette corde descendez à celle du jour et de la nuit,
et vous l'entendez encore
rendre des sons plus harmonieux que la lyre et la cithare, alors surtout
qu'elle vibre
sous une main qui sait la toucher. - Comment ces cordes résonnent-elles
? me
direz-vous. Le ciel n'a ni bouche, ni langue, ni palais, ni dents,
ni lèvres; comment
a-t-il une voix ? Et le jour, comment peut-il parler ? Je ne vois pas
là les instruments
de la parole, mais bien le cours du soleil et de la lune, la succession
du jour et de la
nuit, la marche du temps. - De peur qu'en entendant ces choses un esprit
grossier ne
tombe dans l'incertitude ou le trouble, voici que le prophète
renchérit sur ce qu'il
vient de dire. Après avoir affirmé que les cieux racontent
la Gloire de Dieu, que le
jour transmet la parole au jour, que la nuit révèle la
science à la nuit, il ne s'en tient
pas là, mais il ajoute : "Il n'est pas d'idiomes, il n'est pas
de langues qui ne puissent
entendre leur voix." (ibid. 4) Voici quel est le sens de ce texte :
Non seulement le jour
et la nuit, aussi bien que le ciel, ont une voix; mais encore cette
voix est plus
éclatante, plus significative, plus soutenue que la voix de
l'homme. Comment cela ?
Écoutez de nouveau le prophète royal : "Il n'est pas
d'idiomes, il n'est pas de langues
qui ne puissent entendre leur voix." Qu'est-ce à dire ? C'est
ici l'éloge des voix de la
nature, la glorification de leur langage. Ma voix est entendue de celui
qui parle une
même langue avec moi, et nullement de celui qui parle une autre
langue. Si je
m'exprime en grec, par exemple, celui qui connaît cette langue
me comprendra;
mais le Scythe, le Thrace, le Maure, l'Indien, ne pourront pas me comprendre;
la
différence de nos langues s'oppose à la communication
de nos pensées.
Si j'entends à mon tour le Scythe ou le Thrace, je ne les comprendrai
pas; la langue
de l'un ne dit rien à l'intelligence de l'autre : il n'en est
plus ainsi du langage que
parlent le ciel, la nuit et le jour; ce langage est tel qu'en toute
langue, en tout idiome,
chez toute nation, il est aisément entendu. De là ce
qu'ajoute le prophète, après avoir
dit que les cieux racontent la gloire de Dieu, que le jour transmet
la parole au jour :
"Il n'est pas d'idiomes, il n'est pas de langues qui ne puissent entendre
leur voix."
J'insiste sur la signification de ce texte : La voix que font entendre
le jour, la nuit, le
ciel, toutes les créatures, parle si clairement à notre
esprit qu'il n'est pas de langue,
c'est-à-dire de peuple ou de nation, qui ne soit en état
de la comprendre. Il n'est pas
de voix à laquelle ne corresponde la voix du ciel : Scythe,
Thrace, Maure, Indien,
Sarmate, tout idiome, toute langue, toute nation peut entendre cette
voix. Comment,
je le demande encore ? Écoutez, et vous verrez de quelle façon
le ciel parle en se
taisant. Lorsque vous contemplez sa beauté, sa grandeur, sa
position, sa stabilité,
son éclat, et que, recueillant toutes ces choses en vous-même,
vous rendez gloire au
Créateur, vous célébrez sa Puissance, c'est le
ciel qui élève la voix en ce moment et
qui prend parole : "Les cieux racontent la Gloire de Dieu." De quelle
manière, et par
quel moyen, encore une fois ? En éblouissant celui qui le contemple,
et par là même
en l'obligeant à lever les yeux vers le Créateur. Si
vous vous écriez, à la vue d'une
oeuvre aussi belle : Gloire à Toi, Seigneur ! quel corps Tu
as formé, quelle barrière au
milieu du monde ! - c'est le ciel, je le répète, qui
glorifie de la sorte son Auteur par le
ministère de votre langue, et qui l'admire par vos yeux. C'est
ainsi qu'il rend
hommage à Dieu sans parler; et tous les hommes comprennent ce
langage muet. Il
ne frappe pas leur oreille, mais il frappe leur vue; et la vue est
la même chez tous, si
la langue diffère : tous les peuples, sans excepter les barbares,
les Scythes, les
Thraces, les Maures et les Indiens, entendent cette voix; c'est-à-dire
qu'en voyant ce
magnifique spectacle, frappée de toutes les splendeurs que le
ciel étale à nos yeux,
toute âme adore et glorifie l'Auteur de ces merveilles.
On peut dire la même chose du jour et de la nuit. De même
que le ciel en nous
frappant d'admiration par sa beauté, sa grandeur, sa position,
son éclat, sa stabilité,
ses fécondes et multiples influences, nous excite à rendre
gloire au Créateur; de
même le jour et la nuit. Si vous observez avec quel ordre ils
se succèdent, comment
le jour se borne à remplir sa tâche et se garde bien d'empiéter
sur le domaine de la
nuit, se montrant exempt de toute ambition, se renfermant dans ses
bornes et ne
prétextant pas sa splendeur pour se donner le droit d'envahir
le temps tout entier;
comment la nuit à son tour, ayant accompli sa course, cède
la place au jour; et cela,
depuis tant de siècles, sans confusion, sans désordre,
sans le plus léger empiétement
réciproque, malgré l'éclat de l'un et l'obscurité
de l'autre; pourrez-vous, à la vue
d'une telle harmonie, refouler un sentiment d'admiration et refuser
de rendre gloire à
Dieu ? Semblables à deux soeurs que rattache l'affection la
plus tendre et qui mettent
en quelque sorte dans la balance l'héritage paternel, afin d'éviter
la plus légère
fraude, la jour et la nuit se sont partagé le temps et respectent
leur mutuel empire
avec cette exactitude et cette rigoureuse équité que
l'expérience vous montre. Qu'ils
écoutent cette leçon les hommes avides d'argent, ceux
qui dépouillent leurs frères;
qu'ils sachent comprendre cet égal partage du temps, cet accord
parfait de la nuit et
du jour, et qu'ils apprennent de la sorte à réprimer
leurs passions. C'est donc ainsi
que "le jour transmet la parole au jour, et que la nuit révèle
la science à la nuit." Ce
n'est pas en élevant la voix, c'est par l'ordre même et
l'harmonie qu'ils observent,
c'est par l'égalité de leur pouvoir, par cette marche
libre et régulière, qu'ils
proclament d'une voix plus éclatante que celle de la trompette
la Gloire du Créateur,
non sur un point du monde, mais dans toutes les contrées éclairées
par le soleil. Ce
langage parcourt l'univers, puisque le ciel est partout et que partout
se succèdent le
jour et la nuit : c'est un enseignement qui se répand à
la fois sur la terre et sur la
mer. Aussi le prophète ne dit-il pas simplement : Les cieux
parlent de la Gloire de
Dieu; non, il dit qu'ils la racontent, qu'ils l'exposent, ce qui signifie
qu'ils en instruisent
les hommes, qu'ils sont les maîtres du genre humain, qu'ils tiennent
une immense
école où le spectacle de leur beauté remplace
les livres et les écrits, et qu'ils
enseignent aux ignorants comme aux savants, à tous sans exception,
la Sagesse et la
Puissance de Dieu, empreintes dans les créatures comme dans
un livre.
Les hommes eux-mêmes glorifient Dieu par les autres, sans parler,
en gardant un
profond silence; et voilà pourquoi le Christ disait : "Que votre
lumière brille aux yeux
des hommes, afin qu'ils voient vos bonnes oeuvres et qu'ils glorifient
votre Père qui
est dans les cieux." (Mt 5,16) De même donc qu'à la vue
d'une vie pure nous rendons
gloire à Dieu, sans que le juste ait besoin de parler; de même,
en contemplant la
beauté du ciel, nous glorifions Celui qui l'a créé.
C'est dans ce sens qu'il faut
en-tendre la parole du prophète : "Les cieux racontent la Gloire
de Dieu." Ils ont pour
interprètes ceux dont ils frappent les regards." Le jour transmet
la parole au jour, et
la nuit révèle la science à la nuit." Quelle science
? Celle dont le Créateur Lui-même
est l'objet. Le jour appelle l'homme au travail, suspend le cours de
ses sollicitudes, le
plonge dans le sommeil, ferme ses paupières et le prépare
en réparant ses forces à
reprendre les travaux du jour. Les avantages qu'elle lui procure ne
sont donc pas à
dédaigner; ils sont d'un prix inestimable. Si la nuit ne venait
pas faire trêve à ses
innombrables fatigues, le jour ne lui serait plus d'aucune utilité
et le rappellerait
vainement à l'oeuvre, la nature succomberait sous un travail
non interrompu, la vie
s'épuiserait, pour lui la lumière serait désormais
inutile. C'est donc la nuit qui rend le
jour utile à l'homme; et de plus elle conduit à la connaissance
de Dieu celui qui sait
apprécier les services qu'elle nous rend. En effet, lorsqu'il
se dit à lui-même quelle est
l'utilité du jour et quelle est celle de la nuit, comment ils
se succèdent et se
remplacent, formant en quelque sorte un choeur harmonieux, et toujours
pour notre
conservation et notre bien, serait-il le plus ignorant de tous les
hommes, son
intelligence s'éveillera, il lui sera facile de reconnaître
la Sagesse du suprême Artisan;
car le jour et la nuit la manifestent assez, l'un en nous appelant
au travail, l'autre en
nous invitant au repos.
"Moi, le Seigneur Dieu, J'ai fait la lumière et les ténèbres,
Je donne la paix et j'envoie les maux." (Is 45,7)
Bien courtes sont ces paroles, mais elles nous ouvrent une source de
miel, du miel le
plus suave et qui n'engendre jamais le dégoût. Le miel
matériel produit une agréable
sensation qui s'arrête à la langue, puis il s'altère
et se corrompt : le miel de la
doctrine pénètre jusqu'à la conscience, l'inonde
d'une perpétuelle joie, et devient en
nous le principe de l'incorruptible vie. Celui-là se compose
du suc des plantes, et
celui-ci des sentences de nos livres saints. C'est de ce dernier que
vous a nourris avec
abondance le maître dont vous venez de recueillir le magnifique
enseignement; il a
remporté le prix de l'obéissance, il vous a montré
la force de la charité et la noblesse
de la foi. Courage, et nous aussi nous allons vous servir avec allégresse
la table
accoutumée; car c'est un grand bonheur pour nous de voir une
multitude aussi
compacte dans cette enceinte sacrée, alors que des jeux si brillants
se célèbrent dans
l'hippodrome. Vous avez méprisé ce spectacle; nous voulons
donc placer devant vous
une coupe remplie jusqu'au bord, une coupe qui, bien loin de produire
l'ivresse, fait
naître la sobriété. Tel est le vin des Écritures,
tels sont les mets étalés sur notre
table : ils n'engraissent pas la chair. En disant cela, ce n'est pas
la nature même de la
chair que nous prétendons condamner, nous mettons seulement
bien au-dessus la
dignité de l'âme; ce n'est pas l'usage que nous repoussons,
nous flétrissons l'abus et
l'excès. Si nous nous élevons à des considérations
spirituelles, encore ne devons-nous
pas donner prise aux fausses spéculations de l'hérésie.
Sans doute le corps est
inférieur à l'âme, mais il n'est pas l'opposé
de l'âme : elle est une substance simple,
tandis qu'il demeure sujet aux passions. Dieu dans son art infini n'a
pas formé cet
univers d'une seule substance, ni de deux ou de trois; Il a créé
des natures multiples
et diverses, afin de manifester dans la diversité des êtres
les trésors de sa Sagesse et
la grandeur de son Pouvoir. Il n'a pas seulement créé
le ciel, Il a de plus créé la
terre; et non seulement la terre mais encore le soleil; avec le soleil,
la lune; avec la
lune, les étoiles, l'air, les nuées; et pour redescendre
de l'air sur la terre, les lacs, les
sources, les fleuves, les montagnes, les vallées, les collines,
les près, les jardins,
toutes les sortes de germes et de plantes, toutes les formes et toutes
les énergies de
la nature, tout ce que nous pouvons apercevoir dans cet univers; de
telle sorte que, si
nous le parcourons de la pensée, nous nous écrierons
avec le prophète : "Que tes
oeuvres sont grandes, Seigneur ! Tu as tout fait dans la sagesse."
(Ps 103,24)
Le théâtre a-t-il pour vous tant d'attrait, laissez là
celui de Satan, et venez à ce
théâtre divin. Aimez-vous les accords de la lyre, quittez
les mélodies qu'on entend
dans le mon-de, concentrez les forces de votre entendement, et venez
écouter cette
mélodie spirituelle qui donnera l'essor à votre pensée,
où se retrempera la vigueur de
votre âme. Voyez comme ces sons divers et ces cordes distinctes
font remonter vers
Dieu l'Artiste suprême, un concert où règnent pleinement
l'unité et l'harmonie. La
voix qui s'élève de toutes les créatures se forme
de mille voix, mais n'exprime qu'une
seule et même pensée, celle de glorifier le Créateur.
Chaque corde résonne à part,
toutes résonnent en-semble. Pour vous faire une idée
du son spécial qu'elles rendent,
touchez par la pensée la corde du ciel, et vous l'entendrez
soudain élever sa grande
voix pour rendre gloire à Dieu. Le prophète le savait
bien quand il disait : "Les cieux
racontent la Gloire de Dieu, et le firmament annonce l'oeuvre de ses
Mains." (Ps
18,2) De cette corde descendez à celle du jour et de la nuit,
et vous l'entendez encore
rendre des sons plus harmonieux que la lyre et la cithare, alors surtout
qu'elle vibre
sous une main qui sait la toucher. - Comment ces cordes résonnent-elles
? me
direz-vous. Le ciel n'a ni bouche, ni langue, ni palais, ni dents,
ni lèvres; comment
a-t-il une voix ? Et le jour, comment peut-il parler ? Je ne vois pas
là les instruments
de la parole, mais bien le cours du soleil et de la lune, la succession
du jour et de la
nuit, la marche du temps. - De peur qu'en entendant ces choses un esprit
grossier ne
tombe dans l'incertitude ou le trouble, voici que le prophète
renchérit sur ce qu'il
vient de dire. Après avoir affirmé que les cieux racontent
la Gloire de Dieu, que le
jour transmet la parole au jour, que la nuit révèle la
science à la nuit, il ne s'en tient
pas là, mais il ajoute : "Il n'est pas d'idiomes, il n'est pas
de langues qui ne puissent
entendre leur voix." (ibid. 4) Voici quel est le sens de ce texte :
Non seulement le jour
et la nuit, aussi bien que le ciel, ont une voix; mais encore cette
voix est plus
éclatante, plus significative, plus soutenue que la voix de
l'homme. Comment cela ?
Écoutez de nouveau le prophète royal : "Il n'est pas
d'idiomes, il n'est pas de langues
qui ne puissent entendre leur voix." Qu'est-ce à dire ? C'est
ici l'éloge des voix de la
nature, la glorification de leur langage. Ma voix est entendue de celui
qui parle une
même langue avec moi, et nullement de celui qui parle une autre
langue. Si je
m'exprime en grec, par exemple, celui qui connaît cette langue
me comprendra;
mais le Scythe, le Thrace, le Maure, l'Indien, ne pourront pas me comprendre;
la
différence de nos langues s'oppose à la communication
de nos pensées.
Si j'entends à mon tour le Scythe ou le Thrace, je ne les comprendrai
pas; la langue
de l'un ne dit rien à l'intelligence de l'autre : il n'en est
plus ainsi du langage que
parlent le ciel, la nuit et le jour; ce langage est tel qu'en toute
langue, en tout idiome,
chez toute nation, il est aisément entendu. De là ce
qu'ajoute le prophète, après avoir
dit que les cieux racontent la gloire de Dieu, que le jour transmet
la parole au jour :
"Il n'est pas d'idiomes, il n'est pas de langues qui ne puissent entendre
leur voix."
J'insiste sur la signification de ce texte : La voix que font entendre
le jour, la nuit, le
ciel, toutes les créatures, parle si clairement à notre
esprit qu'il n'est pas de langue,
c'est-à-dire de peuple ou de nation, qui ne soit en état
de la comprendre. Il n'est pas
de voix à laquelle ne corresponde la voix du ciel : Scythe,
Thrace, Maure, Indien,
Sarmate, tout idiome, toute langue, toute nation peut entendre cette
voix. Comment,
je le demande encore ? Écoutez, et vous verrez de quelle façon
le ciel parle en se
taisant. Lorsque vous contemplez sa beauté, sa grandeur, sa
position, sa stabilité,
son éclat, et que, recueillant toutes ces choses en vous-même,
vous rendez gloire au
Créateur, vous célébrez sa Puissance, c'est le
ciel qui élève la voix en ce moment et
qui prend parole : "Les cieux racontent la Gloire de Dieu." De quelle
manière, et par
quel moyen, encore une fois ? En éblouissant celui qui le contemple,
et par là même
en l'obligeant à lever les yeux vers le Créateur. Si
vous vous écriez, à la vue d'une
oeuvre aussi belle : Gloire à Toi, Seigneur ! quel corps Tu
as formé, quelle barrière au
milieu du monde ! - c'est le ciel, je le répète, qui
glorifie de la sorte son Auteur par le
ministère de votre langue, et qui l'admire par vos yeux. C'est
ainsi qu'il rend
hommage à Dieu sans parler; et tous les hommes comprennent ce
langage muet. Il
ne frappe pas leur oreille, mais il frappe leur vue; et la vue est
la même chez tous, si
la langue diffère : tous les peuples, sans excepter les barbares,
les Scythes, les
Thraces, les Maures et les Indiens, entendent cette voix; c'est-à-dire
qu'en voyant ce
magnifique spectacle, frappée de toutes les splendeurs que le
ciel étale à nos yeux,
toute âme adore et glorifie l'Auteur de ces merveilles.
On peut dire la même chose du jour et de la nuit. De même
que le ciel en nous
frappant d'admiration par sa beauté, sa grandeur, sa position,
son éclat, sa stabilité,
ses fécondes et multiples influences, nous excite à rendre
gloire au Créateur; de
même le jour et la nuit. Si vous observez avec quel ordre ils
se succèdent, comment
le jour se borne à remplir sa tâche et se garde bien d'empiéter
sur le domaine de la
nuit, se montrant exempt de toute ambition, se renfermant dans ses
bornes et ne
prétextant pas sa splendeur pour se donner le droit d'envahir
le temps tout entier;
comment la nuit à son tour, ayant accompli sa course, cède
la place au jour; et cela,
depuis tant de siècles, sans confusion, sans désordre,
sans le plus léger empiétement
réciproque, malgré l'éclat de l'un et l'obscurité
de l'autre; pourrez-vous, à la vue
d'une telle harmonie, refouler un sentiment d'admiration et refuser
de rendre gloire à
Dieu ? Semblables à deux soeurs que rattache l'affection la
plus tendre et qui mettent
en quelque sorte dans la balance l'héritage paternel, afin d'éviter
la plus légère
fraude, la jour et la nuit se sont partagé le temps et respectent
leur mutuel empire
avec cette exactitude et cette rigoureuse équité que
l'expérience vous montre. Qu'ils
écoutent cette leçon les hommes avides d'argent, ceux
qui dépouillent leurs frères;
qu'ils sachent comprendre cet égal partage du temps, cet accord
parfait de la nuit et
du jour, et qu'ils apprennent de la sorte à réprimer
leurs passions. C'est donc ainsi
que "le jour transmet la parole au jour, et que la nuit révèle
la science à la nuit." Ce
n'est pas en élevant la voix, c'est par l'ordre même et
l'harmonie qu'ils observent,
c'est par l'égalité de leur pouvoir, par cette marche
libre et régulière, qu'ils
proclament d'une voix plus éclatante que celle de la trompette
la Gloire du Créateur,
non sur un point du monde, mais dans toutes les contrées éclairées
par le soleil. Ce
langage parcourt l'univers, puisque le ciel est partout et que partout
se succèdent le
jour et la nuit : c'est un enseignement qui se répand à
la fois sur la terre et sur la
mer. Aussi le prophète ne dit-il pas simplement : Les cieux
parlent de la Gloire de
Dieu; non, il dit qu'ils la racontent, qu'ils l'exposent, ce qui signifie
qu'ils en instruisent
les hommes, qu'ils sont les maîtres du genre humain, qu'ils tiennent
une immense
école où le spectacle de leur beauté remplace
les livres et les écrits, et qu'ils
enseignent aux ignorants comme aux savants, à tous sans exception,
la Sagesse et la
Puissance de Dieu, empreintes dans les créatures comme dans
un livre.
Les hommes eux-mêmes glorifient Dieu par les autres, sans parler,
en gardant un
profond silence; et voilà pourquoi le Christ disait : "Que votre
lumière brille aux yeux
des hommes, afin qu'ils voient vos bonnes oeuvres et qu'ils glorifient
votre Père qui
est dans les cieux." (Mt 5,16) De même donc qu'à la vue
d'une vie pure nous rendons
gloire à Dieu, sans que le juste ait besoin de parler; de même,
en contemplant la
beauté du ciel, nous glorifions Celui qui l'a créé.
C'est dans ce sens qu'il faut
en-tendre la parole du prophète : "Les cieux racontent la Gloire
de Dieu." Ils ont pour
interprètes ceux dont ils frappent les regards." Le jour transmet
la parole au jour, et
la nuit révèle la science à la nuit." Quelle science
? Celle dont le Créateur Lui-même
est l'objet. Le jour appelle l'homme au travail, suspend le cours de
ses sollicitudes, le
plonge dans le sommeil, ferme ses paupières et le prépare
en réparant ses forces à
reprendre les travaux du jour. Les avantages qu'elle lui procure ne
sont donc pas à
dédaigner; ils sont d'un prix inestimable. Si la nuit ne venait
pas faire trêve à ses
innombrables fatigues, le jour ne lui serait plus d'aucune utilité
et le rappellerait
vainement à l'oeuvre, la nature succomberait sous un travail
non interrompu, la vie
s'épuiserait, pour lui la lumière serait désormais
inutile. C'est donc la nuit qui rend le
jour utile à l'homme; et de plus elle conduit à la connaissance
de Dieu celui qui sait
apprécier les services qu'elle nous rend. En effet, lorsqu'il
se dit à lui-même quelle est
l'utilité du jour et quelle est celle de la nuit, comment ils
se succèdent et se
remplacent, formant en quelque sorte un choeur harmonieux, et toujours
pour notre
conservation et notre bien, serait-il le plus ignorant de tous les
hommes, son
intelligence s'éveillera, il lui sera facile de reconnaître
la Sagesse du suprême Artisan;
car le jour et la nuit la manifestent assez, l'un en nous appelant
au travail, l'autre en
nous invitant au repos.