Douzième jour
Dévotion à l’Assomption de Marie
« Parmi toutes les fêtes que l’Église à instituées en l’honneur de Marie, on peut dire que l’Assomption est sa
fête par excellence » (Père Louis de Grenade).
I. Parmi les nombreuses fêtes que la sainte Église consacre à honorer sous divers titres la Mère de Dieu, il est
certain que, dans tous les siècles, celui qui est célébré avec le plus de joie et de dévotion, est le, jour de sa
glorieuse Assomption. Les fidèles, selon un ancien usage, avaient coutume de se disposer et de se préparer à
cette grande fête par des jeûnes et par d'autres saints exercices. Catherine de Sienne ne négligeait pas de se
conformer à cet usage, et un jour, quelque temps avant la solennité, la Reine des Anges lui apparut et l'admit
à l'honneur de voir comment dans le royaume du ciel, elle était assise sur un trône de gloire magnifique, à
côté de son divin Fils. Cette expression à côté, signifie dans les saintes Écritures, la grandeur de la gloire
destinée par le Christ à sa très pure Mère. Dans cette vision, elle vit clairement, entre le Fils et la Mère,
s'élever une croix teinte de sang. Le jour de la fête arrivé, Catherine se trouva fort malade pour aller à
l'église ; cependant le Seigneur voulut la consoler, car il lui fit voir les murs de la grande église qui porte le
nom de l'Assomption, et ces murs ne pouvaient sans un miracle être vus de l'endroit où elle se trouvait.
Catherine, à cette vue, leva les mains au ciel, rendit grâce au Seigneur d'avoir bien voulu la consoler en lui
montrant l'église qu'elle ne pouvait visiter. Mais la bonté divine ne s'arrêta pas à cette faveur, elle lui fit
entendre ; malgré l'éloignement, les harmonies des chants sacrés, qui, dans ces jours de fête, rendent plus
joyeuses et plus magnifiques nos saintes cérémonies ; et lorsqu'elle entendit, comme si elle avait été présente,
le prêtre chanter ces paroles : « Et le in Assumptione Beatæ Mariæ », elle fut tout à coup ravie en extase, et
elle vit la bienheureuse Vierge, Notre Dame, qui l'admit à ses doux entretiens. (Vie de sainte Catherine de
Sienne, par le Bienheureux Raymond de Capoue).
La très Sainte Vierge daigna aussi se montrer à la même sainte, ainsi qu'à sainte Catherine de Ricci, avec le
même cortège d'esprits bienheureux qui l'accompagna au séjour de la gloire, et leur dévotion pour le mystère
de l'Assomption s'en accrut grandement.
Le Bienheureux Aymon Taparelli avait toute sa vie honoré l'Assomption de Marie d'un culte spécial, Marie
lui accorda la grâce de mourir le jour de cette fête, et il vit sa Souveraine, la divine Vierge, qui venait à sa
rencontre, et il s'élança à sa suite pour prendre part à son glorieux triomphe.
À Arles, en 1240, il y avait un religieux nommé Guillaume, qui avait une grande dévotion à l'Assomption de
Marie. Il tomba malade au commencement d'août, et son prieur le visitant avec les autres religieux, il leur dit
avec une assurance et une confiance admirables : « Je sais bien que je mourrai de cette maladie la veille de
l'Assomption ; mais je ne serai pas seul ; le Père Jean,n ce religieux était alors alité, me rejoindra le
lendemain de la fête ». « Mais, comment le savez-vous, demanda le prieur ? » « C'est, répondit-il, qu'il me
semblait que j'étais dans une grande barque avec d'autres religieux vêtus de blanc, qui me passaient dans
l'autre monde. Alors je vis le Père Jean qui courait après moi. en me disant : « Attendez-moi, très cher Père,
parce que je dois aller avec vous ». Cela s'accomplit en effet exactement comme il l'avait dit.
En 1698, le jour de l'Assomption, Benoîte Rencurel récitait pieusement dans sa chambre les litanies de la
sainte Vierge, lorsqu'elle vit tout à coup apparaître, portée par quatre Anges, l'auguste Mère de Dieu. Pendant
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qu'elle la contemplait avec un extrême bonheur, elle l'entendit lui dire : « Ma fille, réjouissez-vous ; je vais
vous faire voir de belles choses ». En même temps, deux Anges vinrent prendre Benoîte qui se sentit enlevée
dans l'espace à la suite de sa bonne Mère. Comme saint Paul elle montait au ciel avec ou sans son corps. Elle
ne put le dire... Marie était éblouissante et embaumait les airs, pendant que les Anges chantaient des
cantiques ; les litanies de la passion trouvèrent place aussi dans leurs chants. Après un temps qu'elle ne put
évaluer, Benoîte était au ciel : elle nageait dans les flots de lumière ; elle entendait d'enivrants concerts, en
traversant les phalanges des bienheureux. Ceux- ci étaient tous vêtus de jeunesse, de beauté et de gloire. Ils
se levaient par intervalles et se rasseyaient sur leur sièges magnifiques, en chantant les louanges de l'Eternel.
Lorsque la Reine du ciel passait prés d'eux, ils la saluaient avec amour, en s'inclinant, et souriaient à sa
compagne. Parmi ces bienheureux, Benoîte reconnut les deux directeurs qu'elle avait perdus, et qui venaient
de temps en temps la visiter sur la terre. Elle eut aussi le bonheur de contempler dans sa gloire sa pieuse
mère, qui la regardait avec une ineffable tendresse. La vue de ces âmes si chères lui fit éprouver le désir
d'arrêter sa marche un instant ; elle voulait leur parler, mais Marie l'entraîna plus loin. Bientôt elle vit trois
rangs de sièges ruisselants de lumière, et étagés les uns au-dessus des autres. Au rang le plus élevé sont les
martyrs vêtus de rouge, lui dit sa divine conductrice ; viennent ensuite les vierges vêtues de blanc; et les
couleurs variées distinguent au rang inférieur les autres bienheureux.
Plus loin et au centre du paradis, autant qu'elle put en juger, car tant de splendeurs l'éblouissaient, elle vit un
trône plus élevé que tout le reste, et si éclatant, qu'elle ne put distinguer Celui qui y était assis... Marie
s'arrêta devant ce trône, qu'une multitude d'Anges entouraient ; elle fit une profonde inclination, adora un
moment en silence, et continua sa route dans les régions éternelles. Benoîte vit encore beaucoup de choses
admirables, mais elle ne sut comment les exprimer. Cependant la nuit sur la terre touchait à son terme. Le
même cortège qui avait enlevé au Laus sa sainte bergère la lui rendit. Benoîte rentra dans sa cellule un instant
avant l'aube ; elle était tellement enivrée de consolations qu'elle passa quinze jours sans prendre aucune
espèce de nourriture. Sa joie était trop vive pour qu'elle ne fût pas remarquée ; chacun se demandait quelle
grande grâce elle avait reçue ; on la suppliait, mais en vain, de s'expliquer, lorsque son directeur, pour la
gloire de Dieu, l'obligea de parler. Elle raconta alors, non sans beaucoup d'hésitation et d'embarras, ce qu'on
vient de lire. (Vie de Soeur Benoîte).
Marie, à chaque anniversaire de sa glorieuse Assomption, accorde beaucoup de grâces à ses enfants vivants
et morts. La veille de l'Assomption, la mère du vénérable M. Dufriche Desgenettes lui apparut et lui dit :
« Sois tranquille sur mon sort, Desgenettes ; Dieu m'a fait grâce aujourd'hui. Les saints sacrifices que tu as
offerts pour moi à l'heure de ma mort, m'ont beaucoup servi devant Dieu ».
A l'exemple de Saint Dominique, Saint Hyacinthe était un fervent serviteur de la glorieuse Vierge Marie.
Prosterné devant son image nuit et jour, il ne cessait d'appeler ses bénédictions sur ses travaux par de
ferventes supplications et d'abondantes larmes. Or il arriva qu'un jour il priait avec une dévotion
extraordinaire devant l'image de sa bonne Mère, le jour de l'Assomption, dans l'église de Cracovie. Ravi en
esprit, le saint contemplait avec bonheur la grandeur du Mystère de ce jour, et la gloire incomparable de
l'auguste Mère de Dieu. Inondé de joie et de larmes, il laissait son esprit s'égarer pieusement dans la
méditation, et son cœur s'enflammait du désir de l'éternelle béatitude. Pendant que, entraîné par un
redoublement de ferveur, il supplie d'une voix mêlée de sanglots la divine Miséricorde de l’admettre au
partage de la gloire des élus, tout à coup il voit descendre, du ciel sur l'autel de la Vierge, une éblouissante
clarté. Au milieu de cette lumière céleste, le Reine du ciel lui apparaît et lui dit: « Hyacinthe, mon fils,
réjouis-toi, car tes prières sont favorablement reçues de mon Fils, le Sauveur des hommes, et tout ce que tu
lui demanderas en mon nom, il te l'accordera par mon intercession ». À ces mots, la divine Messagère fut
élevée au ciel aux accords de la mélodie des Anges, laissant après elle l'écho d'une suave harmonie et l'odeur
d'un parfum exquis, que la langue de l'homme, étrangère aux joies de l'éternité, est impuissante à redire.
Profondément réjoui de cette vision céleste et des douces paroles de la sainte Vierge, le bienheureux
Hyacinthe sentit sa confiance en Marie grandir d'une manière prodigieuse, à tel point qu'il obtenait de Dieu,
sur-le-champ, tout ce qu'il lui demandait. Le saint révéla cette vision à deux de ses frères, sous le sceau du
secret, les invitant à une grande dévotion envers la glorieuse Vierge, leur assurant qu'elle est la protectrice de
l'Ordre et la consolatrice spéciale des enfants de saint Dominique.
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Hyacinthe avait atteint sa soixante-douzième année ; tous ses désirs ne tendaient plus qu'à voir bientôt la
dissolution de son corps, pour être avec Jésus Christ. Marie vint elle-même l'assurer qu'il mourrait, selon son
désir, le jour de sa glorieuse Assomption, et que, par les mérites de sa sainte mort, elle éloignerait de lui les
rigueurs de la condamnation portée contre tous les enfants d'Adam. Le jour de Saint Dominique, il tomba
malade ; les progrès du mal furent rapides; la veille de l’Assomption il fit venir près de lui tous ses religieux
et leur dit : « Mes bien-aimés fils, demain je vous quitterai pour aller où Dieu m'appelle. Les paroles que j'ai
recueillies de la bouche de notre Père Saint Dominique, je vous les lègue comme un héritage sacré. Gardez la
douceur du cœur et la mansuétude de l'esprit ; embrassez la charité et la dilection mutuelle, pratiquez la
pauvreté ; c'est la le testament de l'éternel héritage. Puis il se tut. Le lendemain, il voulut assister à la
récitation des heures canoniales et reçut les sacrements de l'Église, au milieu de tous ses frères qui pleuraient
et adressaient à Dieu de ferventes prières.
Le saint avait les yeux fixés au ciel. Arrivé au verset de l'office : « Seigneur, j'ai espéré en vous, je ne serai
pas confondu pour l'éternité ». Il versa une grande abondance de larmes, et son âme, pleine de joie et
d'amour, s'envola au ciel, soutenue du secours puissant de Marie. Ainsi mourut celui que l'histoire a appelé
l'Apôtre du Nord, le thaumaturge de son siècle.
II. La foi vive de Saint Hyacinthe lui faisait voir l'entrée glorieuse de Marie au ciel ; il entendait les saints et
les esprits célestes s'écrier à sa vue : « Qui est celle-ci, qui s'élève du désert, si brillante de grâces et de
vertus, et qui s'avance, appuyée sur son bien-aimé ? » (Cantique des Cantiques). Il voyait toutes les
hiérarchies du ciel, tous les patriarches, les prophètes, les martyrs, les vierges, et tous les saints déposer à ses
pieds leurs couronnes immortelles, en proclamant sa grandeur et ses louanges ; il voyait Dieu le Père
l'appeler à partager sa puissance, le Fils sa sagesse, le Saint-Esprit son amour, et la sainte Trinité couronnant
son front pur et radieux d'un diadème de douze étoiles, la proclamer Reine du ciel et de la terre, et ordonner
aux Anges et à toutes les créatures de la reconnaître pour telle. Il contemplait dans un transport d'amour et de
reconnaissance Marie Reine, mais Reine de clémence et de miséricorde, médiatrice du genre humain après
Jésus-Christ et avec Jésus-Christ, intercédant sans cesse pour nous, plaidant pour nous, puisant à pleines
mains dans les célestes trésors, et distribuant avec largesse les pardons, les bénédictions et les grâces. Et nous
aussi, au souvenir de la gloire et de la puissance accordées à Marie, réjouissons-nous d'avoir au ciel une
Mère si bonne et si puissante en même temps, et implorons-la avec une entière confiance. Mais n'oublions
point que si la dignité de Mère de Dieu fut quelque chose de bien grand, ce ne fut point la ce que Dieu
couronna dans Marie, mais sa fidélité à correspondre aux grâces qu'elle avait reçues ; voilà le moyen par
lequel Elle est parvenue à un si haut degré d'honneur et de gloire : et si Saint Hyacinthe reçut de Marie des
grâces si particulières, c'est qu'il fut avant tout un fidèle imitateur des vertus de Marie. Marchons sur ses
traces, et alors nous pourrons demander à la Reine du ciel et de la terre, avec la certitude d'être exaucés, de
nous secourir de tous les besoins de notre âme, de nous obtenir une bonne mort, et que nous quittions notre
exil le jour de sa glorieuse Assomption, comme Elle l'a accordé à Saint Hyacinthe et à plusieurs autres Saints
de notre Ordre.
Vierge puissante et miséricordieuse, demandez pour tous les grâces célestes ; demandez-les en particulier
pour l'Ordre de Saint Dominique et pour votre indigente et indigne servante ; répandez dans mon âme toutes
les vertus qui font aujourd'hui votre gloire. Faites que j'aime la vie cachée ; que je devienne humble, douce,
modeste, pleine de piété ; que le divin amour possède de plus en plus mon cœur, qu'il le perfectionne, qu'il le
sanctifie, et que j'expire dans ces saintes ardeurs. Faites enfin, ma divine Mère, que reçue par Vous dans la
cité céleste, je puisse chanter à jamais : « Gloire, honneur, puissance, bénédiction à ma Mère pour jamais !
Amen ».
Treizième jour
Sur l'Ave Maria
« Saluons Marie souvent et sagement souvent, afin que jamais son souvenir ne s'éloigne de notre cœur. et sa
louange de nos lèvres ; sagement, afin que notre conduite réponde aux vertus de Celle que nous louons ; car
il est convenable que la Vierge ne soit honorée que par une âme vierge, et que cette humble Marie ne soit
aimée que par un cœur humble. (Saint Albert le Grand).
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I. « L'Ange a dit : « Je vous salue, pleine de grâces, le Seigneur est avec vous ; vous êtes bénie entre toutes
les femmes ». Sainte Elisabeth a dit : « Le fruit de vos entrailles est béni ». L'Église a ajouté aux paroles de
l'Ange : « Marie ». L'Ange n'avait pas prononcé ce nom sacré, dont l'interprétation, du reste, s'accorde on ne
peut mieux avec le salut qu'il adressait à la Vierge de Nazareth.
« Depuis la plus haute antiquité, c'était une grande chose que l'apparition des Anges aux hommes. Mais qu'un
Ange eût rendu honneur à un homme, jamais on ne l'avait ouï raconter, jusqu'au moment où Gabriel salua la
Bienheureuse Vierge Marie, en lui disant humblement : « Je vous salue ».
« L'Ange ne pouvait s'incliner devant l'homme, avant que la nature humaine eût un représentant doué des
dons célestes à un plus haut degré que l'Ange. Ce représentant a été la Bienheureuse Vierge Marie, et l'Ange
a voulu reconnaître sa prééminence en lui rendant hommage, et en lui disant : « Je vous salue, pleine de
grâces ». Aucun des Esprits célestes ne possède la grâce avec la même plénitude que la Bienheureuse Vierge
Marie, et l'Ange Gabriel nous insinue cette vérité lorsqu'il la salue pleine de grâces, comme s'il disait :
« Voici pourquoi je vous vénère : c'est parce que votre plénitude de grâce surpasse la mienne ». Or, la très
Sainte Vierge a été pleine de grâces. comblée de la plénitude de sa grâce, quant à son âme, pour fuir le mal et
pratiquer le bien. La très-Sainte Vierge a aussi été pleine de grâces quant au rejaillissement de son âme sur
son corps. L'amour du Saint Esprit consumait si passionnément son âme, qu'il opérait des merveilles jusque
dans sa chair, tellement que de cette chair naquit le Dieu-Homme : « L'Etre infiniment saint qui naîtra de
Vous s'appellera le Fils de Dieu ». Enfin la très Sainte Vierge est pleine de grâces, quant à la diffusion de sa
grâce sur tous les hommes. Point de péril dans la glorieuse Vierge ne puisse vous sauver(Cant. 4, 4), pas
d'acte de vertu pour lequel Vous ne puissiez obtenir d'elle une aide. C'est pourquoi Elle dit d'Elle-même :
« J'ai en moi tout espoir de vie et de vertu ». (Eccl. 24, 23).
« Le Seigneur est avec Vous ». Marie surpasse les Anges par sa familiarité avec Dieu, et Gabriel le reconnaît
en lui disant : « Le Seigneur est avec Vous ».Voici pourquoi je vous vénère ; c'est parce que vous êtes plus
familière avec Dieu que moi ; car le Seigneur est avec Vous... » « Le Seigneur est avec Vous ! » Nulle parole
plus magnifique ne pouvait lui être adressée. Ah ! l'Ange a raison de vénérer la Vierge qui est la Mère de son
Seigneur. Cette Vierge est sa Dame ; Elle est notre Dame, selon l'étymologie de ce nom de Marie qui lui
convient si bien ! Enfin Marie surpasse les Anges, par la dignité de sa nature, à cause de son admirable
pureté. Marie n'était pas seulement pure en Elle-même, elle communiquait encore la pureté aux autres.
« Vous êtes bénie entre toutes les femmes ». Marie a été exempte de la malédiction portée contre la race
humaine ; par conséquent elle est bénie entre toutes les femmes. Seule elle a écarté la malédiction, et apporté
la bénédiction ; seule elle a ouvert les portes du Paradis, et c'est pourquoi ce nom de Marie, qui signifie
Étoile de la Mer, lui convient. Marie dirige les chrétiens à la gloire, comme l’Étoile de la mer dirige les
navigateurs vers le port. « Et le fruit de vos entrailles est béni ». Les Anges soupirent après la vue du Fils des
entrailles de Marie. Il est le plus beau des enfants des hommes, et cela parce qu'il est la splendeur de la gloire
de son Père. Ce que nous désirons, cherchons-le donc dans ce fruit béni des entrailles de Marie. Fruit béni de
Dieu, qui l'a rempli de toute grâce, afin qu'il la transmît à ceux qui l'honoreraient dignement. Bénie soit donc
la très Sainte Vierge, mais béni soit davantage le fruit de ses entrailles ! » (Extrait de l'Opuscule de saint
Thomas d'Aquin sur la Salutation angélique).
Pour ce qui est de la conclusion de la Salutation angélique, saint Thomas d'Aquin ne la commente pas.
L'usage ne l'avait point encore adoptée à l'époque à laquelle il vivait. Elle date de loin cependant, du concile
d’Éphèse, et Saint Cyrille en est l'auteur. Le pape Célestin 1er ordonna qu'elle terminerait la Salutation
angélique ; ce fut le pape dominicain, saint Pie V, qui l'inséra le premier au Bréviaire romain. Le nom
adorable de Jésus n'a été ajouté à la Salutation angélique que par le pape Urbain IV, mort en 1274. lorsque
saint Thomas avait déjà composé son commentaire. Ce pape accorda une indulgence de 30 jours à ceux qui
ajouteraient à la Salutation angélique les mots Jesus Christus.
Quelle prière, après l’Oraison Dominicale, pourrait être comparée à la Salutation angélique ? La Salutation
angélique a été commencée dans les splendeurs du ciel par la très Sainte Trinité elle-même ; elle a été ensuite
apportée à la terre par un Archange, Gabriel, la force de Dieu ; elle a été complétée par sainte Élisabeth, mère
de saint Jean-Baptiste, et par l'Église. Saint Jacques, frère germain du Seigneur, l'avait insérée dans sa
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liturgie. et plusieurs Pères de l'Église firent de même. Les apôtres, si nous en croyons le « Mariale » de
Canisius, la prononçaient avant de consacrer ; et un dévot serviteur de Marie nous assure, pour l'avoir appris
sans doute par révélation, que Notre Seigneur Jésus-Christ aimait, en revenant vers sa Mère, à lui dire ces
douces paroles : « Je vous salue, pleine de grâces ».
Saint Thomas d'Aquin était encore entre les bras de sa nourrice, lorsqu'un jour on s'aperçut qu'il tenait serrée
dans sa main une toute petite feuille de papier, sans qu'on pût s'expliquer où il l'avait trouvée. Malgré toute la
résistance qu'il fit, on la lui enleva ; elle ne contenait que ces deux mots : « Ave Maria ! » le salut adressé à la
Reine des Vierges ! Ainsi cet enfant prédestiné s'élançait, avant de se connaître lui-même, vers la Vierge
Immaculée. Une tendre impulsion dirigea toujours ses vœux et ses soupirs vers la Reine des Vierges, et toute
sa vie il fut fidèle à la dévotion du Rosaire qui est en même temps celle des plus hautes intelligences et celle
des plus simples enfants de Dieu. Cet amour de saint Thomas pour Marie reçut dès ici-bas sa récompense.
Celle qui est appelée le Siège de la Sagesse, la Mère de la Chasteté, se montra à Thomas d'Aquin, ce génie si
lumineux et si pur. La Reine du Rosaire daigna dévoiler ses traits divins aux regards de son fidèle serviteur,
et faire entendre à son oreille ravie le son de sa divine voix.
À peine sainte Catherine de Sienne commença-t-elle à parler, qu'on lui apprit à prier Dieu et Marie. À cinq
ans, elle savait la Salutation angélique, et la récitait presque sans cesse. Quand elle montait ou descendait les
escaliers, elle faisait une génuflexion à chaque marche en disant un Ave Maria. Marie, qui ne se laisse jamais
vaincre en générosité, récompensa par des faveurs sans nombre les fervents saints que lui adressait la jeune
sainte. À l'âge de dix ans elle lui inspira la pensée de choisir Jésus pour le seul époux de son cœur, et plus
tard la Bienheureuse Mère de Jésus-Christ présida à ce mariage qui fut célébré miraculeusement.
La ferveur des Ave Maria qui sortaient de la bouche du Bienheureux Jacques Salomon faisait fleurir en hiver
les roses du cloître de son couvent. L'arme puissante qu'il employait pour conquérir les âmes était la
récitation de l'Ave Maria.
Jésus et Marie apprirent au vénérable Père Michel de Benavidès, troisième archevêque de Manille, à
commencer toutes ses actions par la récitation de la Salutation angélique.
Dès l'âge de sept ans, la bienheureuse Bienvenue disait tous les jours, en l'honneur de la très Sainte Vierge
1,000 Ave Maria, le samedi 2,000, et le jour de l'Annonciation 5,000.
La B. Jeanne, infante de Portugal, ne sortait et ne rentrait jamais dans sa cellule sans saluer Marie par l'Ave
Maria, qu'elle récitait encore à chaque marche d'escalier.
La sœur Guyomard du Rosaire, qui avait une dévotion très-remarquable au Rosaire, vit un jour, à chaque Ave
Maria qu'elle récitait, éclore à ses pieds une belle rose.
La sœur Heilrade, des Unterlinden, trouvait une douceur particulière au Pater et à la Salutation angélique ;
elle les récitait au moins mille fois par jour, et leur découvrait toujours un charme nouveau. La Vénérable
mère Catherine de sainte Marie avait la même pratique.
La très Sainte Vierge dit au Bienheureux Alain de la Roche : « Sache, mon fils, et fais-le connaître à tous,
qu'un signe probable et prochain de la damnation éternelle est d'avoir de l'aversion, de la tiédeur, de la
négligence à dire la Salutation angélique, qui a réparé tout le monde. Ceux et celles qui ont d'ailleurs de
grandes marques de prédestination aiment, goûtent et récitent avec plaisir l'Ave Maria, et plus ils sont à Dieu,
plus ils aiment cette prière ».
II. « Je ne sais comment cela se fait, dit Saint Louis-Marie Grignon de Montfort ; mais je n'ai pas un meilleur
secret pour connaître si une personne est de Dieu, que d'examiner si elle aime à dire l'Ave Maria et le
chapelet ».
« Âmes prédestinées, apprenez que l'Ave Maria est la plus belle de toutes les prières après le Pater, c'est le
plus parfait compliment que vous puissiez faire à Marie, parce que c'est le compliment que le Très-Haut lui
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envoya faire par un Archange, pour gagner son cœur, par les charmes secrets dont il est plein, et la décider à
donner son consentement à l'Incarnation du Verbe, malgré sa profonde humilité ; c'est par ce compliment
aussi que vous gagnerez infailliblement son cœur, si vous le dites comme il faut ». (Traité de la vraie
dévotion à. la sainte Vierge).
Ave, Maria, gratia plena, Dominus tecum, benedicta tu in mulieribus, et benedictus fructus ventris tui Jesus.
Sancta Maria, Mater Dei, ora pro nobis peccatoribus, nunc et in hora mortis nostræ. Amen.
Je vous salue Marie, comblée de grâce, le Seigneur est avec Vous. Vous êtes bénie entre toutes les femmes, et
Jésus le Fruit de vos entrailles est béni. Sainte Marie, Mère de Dieu, priez pour nous pauvres pécheurs,
maintenant et à l’heure de notre mort. Amen.
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Dévotion à l’Assomption de Marie
« Parmi toutes les fêtes que l’Église à instituées en l’honneur de Marie, on peut dire que l’Assomption est sa
fête par excellence » (Père Louis de Grenade).
I. Parmi les nombreuses fêtes que la sainte Église consacre à honorer sous divers titres la Mère de Dieu, il est
certain que, dans tous les siècles, celui qui est célébré avec le plus de joie et de dévotion, est le, jour de sa
glorieuse Assomption. Les fidèles, selon un ancien usage, avaient coutume de se disposer et de se préparer à
cette grande fête par des jeûnes et par d'autres saints exercices. Catherine de Sienne ne négligeait pas de se
conformer à cet usage, et un jour, quelque temps avant la solennité, la Reine des Anges lui apparut et l'admit
à l'honneur de voir comment dans le royaume du ciel, elle était assise sur un trône de gloire magnifique, à
côté de son divin Fils. Cette expression à côté, signifie dans les saintes Écritures, la grandeur de la gloire
destinée par le Christ à sa très pure Mère. Dans cette vision, elle vit clairement, entre le Fils et la Mère,
s'élever une croix teinte de sang. Le jour de la fête arrivé, Catherine se trouva fort malade pour aller à
l'église ; cependant le Seigneur voulut la consoler, car il lui fit voir les murs de la grande église qui porte le
nom de l'Assomption, et ces murs ne pouvaient sans un miracle être vus de l'endroit où elle se trouvait.
Catherine, à cette vue, leva les mains au ciel, rendit grâce au Seigneur d'avoir bien voulu la consoler en lui
montrant l'église qu'elle ne pouvait visiter. Mais la bonté divine ne s'arrêta pas à cette faveur, elle lui fit
entendre ; malgré l'éloignement, les harmonies des chants sacrés, qui, dans ces jours de fête, rendent plus
joyeuses et plus magnifiques nos saintes cérémonies ; et lorsqu'elle entendit, comme si elle avait été présente,
le prêtre chanter ces paroles : « Et le in Assumptione Beatæ Mariæ », elle fut tout à coup ravie en extase, et
elle vit la bienheureuse Vierge, Notre Dame, qui l'admit à ses doux entretiens. (Vie de sainte Catherine de
Sienne, par le Bienheureux Raymond de Capoue).
La très Sainte Vierge daigna aussi se montrer à la même sainte, ainsi qu'à sainte Catherine de Ricci, avec le
même cortège d'esprits bienheureux qui l'accompagna au séjour de la gloire, et leur dévotion pour le mystère
de l'Assomption s'en accrut grandement.
Le Bienheureux Aymon Taparelli avait toute sa vie honoré l'Assomption de Marie d'un culte spécial, Marie
lui accorda la grâce de mourir le jour de cette fête, et il vit sa Souveraine, la divine Vierge, qui venait à sa
rencontre, et il s'élança à sa suite pour prendre part à son glorieux triomphe.
À Arles, en 1240, il y avait un religieux nommé Guillaume, qui avait une grande dévotion à l'Assomption de
Marie. Il tomba malade au commencement d'août, et son prieur le visitant avec les autres religieux, il leur dit
avec une assurance et une confiance admirables : « Je sais bien que je mourrai de cette maladie la veille de
l'Assomption ; mais je ne serai pas seul ; le Père Jean,n ce religieux était alors alité, me rejoindra le
lendemain de la fête ». « Mais, comment le savez-vous, demanda le prieur ? » « C'est, répondit-il, qu'il me
semblait que j'étais dans une grande barque avec d'autres religieux vêtus de blanc, qui me passaient dans
l'autre monde. Alors je vis le Père Jean qui courait après moi. en me disant : « Attendez-moi, très cher Père,
parce que je dois aller avec vous ». Cela s'accomplit en effet exactement comme il l'avait dit.
En 1698, le jour de l'Assomption, Benoîte Rencurel récitait pieusement dans sa chambre les litanies de la
sainte Vierge, lorsqu'elle vit tout à coup apparaître, portée par quatre Anges, l'auguste Mère de Dieu. Pendant
24
qu'elle la contemplait avec un extrême bonheur, elle l'entendit lui dire : « Ma fille, réjouissez-vous ; je vais
vous faire voir de belles choses ». En même temps, deux Anges vinrent prendre Benoîte qui se sentit enlevée
dans l'espace à la suite de sa bonne Mère. Comme saint Paul elle montait au ciel avec ou sans son corps. Elle
ne put le dire... Marie était éblouissante et embaumait les airs, pendant que les Anges chantaient des
cantiques ; les litanies de la passion trouvèrent place aussi dans leurs chants. Après un temps qu'elle ne put
évaluer, Benoîte était au ciel : elle nageait dans les flots de lumière ; elle entendait d'enivrants concerts, en
traversant les phalanges des bienheureux. Ceux- ci étaient tous vêtus de jeunesse, de beauté et de gloire. Ils
se levaient par intervalles et se rasseyaient sur leur sièges magnifiques, en chantant les louanges de l'Eternel.
Lorsque la Reine du ciel passait prés d'eux, ils la saluaient avec amour, en s'inclinant, et souriaient à sa
compagne. Parmi ces bienheureux, Benoîte reconnut les deux directeurs qu'elle avait perdus, et qui venaient
de temps en temps la visiter sur la terre. Elle eut aussi le bonheur de contempler dans sa gloire sa pieuse
mère, qui la regardait avec une ineffable tendresse. La vue de ces âmes si chères lui fit éprouver le désir
d'arrêter sa marche un instant ; elle voulait leur parler, mais Marie l'entraîna plus loin. Bientôt elle vit trois
rangs de sièges ruisselants de lumière, et étagés les uns au-dessus des autres. Au rang le plus élevé sont les
martyrs vêtus de rouge, lui dit sa divine conductrice ; viennent ensuite les vierges vêtues de blanc; et les
couleurs variées distinguent au rang inférieur les autres bienheureux.
Plus loin et au centre du paradis, autant qu'elle put en juger, car tant de splendeurs l'éblouissaient, elle vit un
trône plus élevé que tout le reste, et si éclatant, qu'elle ne put distinguer Celui qui y était assis... Marie
s'arrêta devant ce trône, qu'une multitude d'Anges entouraient ; elle fit une profonde inclination, adora un
moment en silence, et continua sa route dans les régions éternelles. Benoîte vit encore beaucoup de choses
admirables, mais elle ne sut comment les exprimer. Cependant la nuit sur la terre touchait à son terme. Le
même cortège qui avait enlevé au Laus sa sainte bergère la lui rendit. Benoîte rentra dans sa cellule un instant
avant l'aube ; elle était tellement enivrée de consolations qu'elle passa quinze jours sans prendre aucune
espèce de nourriture. Sa joie était trop vive pour qu'elle ne fût pas remarquée ; chacun se demandait quelle
grande grâce elle avait reçue ; on la suppliait, mais en vain, de s'expliquer, lorsque son directeur, pour la
gloire de Dieu, l'obligea de parler. Elle raconta alors, non sans beaucoup d'hésitation et d'embarras, ce qu'on
vient de lire. (Vie de Soeur Benoîte).
Marie, à chaque anniversaire de sa glorieuse Assomption, accorde beaucoup de grâces à ses enfants vivants
et morts. La veille de l'Assomption, la mère du vénérable M. Dufriche Desgenettes lui apparut et lui dit :
« Sois tranquille sur mon sort, Desgenettes ; Dieu m'a fait grâce aujourd'hui. Les saints sacrifices que tu as
offerts pour moi à l'heure de ma mort, m'ont beaucoup servi devant Dieu ».
A l'exemple de Saint Dominique, Saint Hyacinthe était un fervent serviteur de la glorieuse Vierge Marie.
Prosterné devant son image nuit et jour, il ne cessait d'appeler ses bénédictions sur ses travaux par de
ferventes supplications et d'abondantes larmes. Or il arriva qu'un jour il priait avec une dévotion
extraordinaire devant l'image de sa bonne Mère, le jour de l'Assomption, dans l'église de Cracovie. Ravi en
esprit, le saint contemplait avec bonheur la grandeur du Mystère de ce jour, et la gloire incomparable de
l'auguste Mère de Dieu. Inondé de joie et de larmes, il laissait son esprit s'égarer pieusement dans la
méditation, et son cœur s'enflammait du désir de l'éternelle béatitude. Pendant que, entraîné par un
redoublement de ferveur, il supplie d'une voix mêlée de sanglots la divine Miséricorde de l’admettre au
partage de la gloire des élus, tout à coup il voit descendre, du ciel sur l'autel de la Vierge, une éblouissante
clarté. Au milieu de cette lumière céleste, le Reine du ciel lui apparaît et lui dit: « Hyacinthe, mon fils,
réjouis-toi, car tes prières sont favorablement reçues de mon Fils, le Sauveur des hommes, et tout ce que tu
lui demanderas en mon nom, il te l'accordera par mon intercession ». À ces mots, la divine Messagère fut
élevée au ciel aux accords de la mélodie des Anges, laissant après elle l'écho d'une suave harmonie et l'odeur
d'un parfum exquis, que la langue de l'homme, étrangère aux joies de l'éternité, est impuissante à redire.
Profondément réjoui de cette vision céleste et des douces paroles de la sainte Vierge, le bienheureux
Hyacinthe sentit sa confiance en Marie grandir d'une manière prodigieuse, à tel point qu'il obtenait de Dieu,
sur-le-champ, tout ce qu'il lui demandait. Le saint révéla cette vision à deux de ses frères, sous le sceau du
secret, les invitant à une grande dévotion envers la glorieuse Vierge, leur assurant qu'elle est la protectrice de
l'Ordre et la consolatrice spéciale des enfants de saint Dominique.
25
Hyacinthe avait atteint sa soixante-douzième année ; tous ses désirs ne tendaient plus qu'à voir bientôt la
dissolution de son corps, pour être avec Jésus Christ. Marie vint elle-même l'assurer qu'il mourrait, selon son
désir, le jour de sa glorieuse Assomption, et que, par les mérites de sa sainte mort, elle éloignerait de lui les
rigueurs de la condamnation portée contre tous les enfants d'Adam. Le jour de Saint Dominique, il tomba
malade ; les progrès du mal furent rapides; la veille de l’Assomption il fit venir près de lui tous ses religieux
et leur dit : « Mes bien-aimés fils, demain je vous quitterai pour aller où Dieu m'appelle. Les paroles que j'ai
recueillies de la bouche de notre Père Saint Dominique, je vous les lègue comme un héritage sacré. Gardez la
douceur du cœur et la mansuétude de l'esprit ; embrassez la charité et la dilection mutuelle, pratiquez la
pauvreté ; c'est la le testament de l'éternel héritage. Puis il se tut. Le lendemain, il voulut assister à la
récitation des heures canoniales et reçut les sacrements de l'Église, au milieu de tous ses frères qui pleuraient
et adressaient à Dieu de ferventes prières.
Le saint avait les yeux fixés au ciel. Arrivé au verset de l'office : « Seigneur, j'ai espéré en vous, je ne serai
pas confondu pour l'éternité ». Il versa une grande abondance de larmes, et son âme, pleine de joie et
d'amour, s'envola au ciel, soutenue du secours puissant de Marie. Ainsi mourut celui que l'histoire a appelé
l'Apôtre du Nord, le thaumaturge de son siècle.
II. La foi vive de Saint Hyacinthe lui faisait voir l'entrée glorieuse de Marie au ciel ; il entendait les saints et
les esprits célestes s'écrier à sa vue : « Qui est celle-ci, qui s'élève du désert, si brillante de grâces et de
vertus, et qui s'avance, appuyée sur son bien-aimé ? » (Cantique des Cantiques). Il voyait toutes les
hiérarchies du ciel, tous les patriarches, les prophètes, les martyrs, les vierges, et tous les saints déposer à ses
pieds leurs couronnes immortelles, en proclamant sa grandeur et ses louanges ; il voyait Dieu le Père
l'appeler à partager sa puissance, le Fils sa sagesse, le Saint-Esprit son amour, et la sainte Trinité couronnant
son front pur et radieux d'un diadème de douze étoiles, la proclamer Reine du ciel et de la terre, et ordonner
aux Anges et à toutes les créatures de la reconnaître pour telle. Il contemplait dans un transport d'amour et de
reconnaissance Marie Reine, mais Reine de clémence et de miséricorde, médiatrice du genre humain après
Jésus-Christ et avec Jésus-Christ, intercédant sans cesse pour nous, plaidant pour nous, puisant à pleines
mains dans les célestes trésors, et distribuant avec largesse les pardons, les bénédictions et les grâces. Et nous
aussi, au souvenir de la gloire et de la puissance accordées à Marie, réjouissons-nous d'avoir au ciel une
Mère si bonne et si puissante en même temps, et implorons-la avec une entière confiance. Mais n'oublions
point que si la dignité de Mère de Dieu fut quelque chose de bien grand, ce ne fut point la ce que Dieu
couronna dans Marie, mais sa fidélité à correspondre aux grâces qu'elle avait reçues ; voilà le moyen par
lequel Elle est parvenue à un si haut degré d'honneur et de gloire : et si Saint Hyacinthe reçut de Marie des
grâces si particulières, c'est qu'il fut avant tout un fidèle imitateur des vertus de Marie. Marchons sur ses
traces, et alors nous pourrons demander à la Reine du ciel et de la terre, avec la certitude d'être exaucés, de
nous secourir de tous les besoins de notre âme, de nous obtenir une bonne mort, et que nous quittions notre
exil le jour de sa glorieuse Assomption, comme Elle l'a accordé à Saint Hyacinthe et à plusieurs autres Saints
de notre Ordre.
Vierge puissante et miséricordieuse, demandez pour tous les grâces célestes ; demandez-les en particulier
pour l'Ordre de Saint Dominique et pour votre indigente et indigne servante ; répandez dans mon âme toutes
les vertus qui font aujourd'hui votre gloire. Faites que j'aime la vie cachée ; que je devienne humble, douce,
modeste, pleine de piété ; que le divin amour possède de plus en plus mon cœur, qu'il le perfectionne, qu'il le
sanctifie, et que j'expire dans ces saintes ardeurs. Faites enfin, ma divine Mère, que reçue par Vous dans la
cité céleste, je puisse chanter à jamais : « Gloire, honneur, puissance, bénédiction à ma Mère pour jamais !
Amen ».
Treizième jour
Sur l'Ave Maria
« Saluons Marie souvent et sagement souvent, afin que jamais son souvenir ne s'éloigne de notre cœur. et sa
louange de nos lèvres ; sagement, afin que notre conduite réponde aux vertus de Celle que nous louons ; car
il est convenable que la Vierge ne soit honorée que par une âme vierge, et que cette humble Marie ne soit
aimée que par un cœur humble. (Saint Albert le Grand).
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I. « L'Ange a dit : « Je vous salue, pleine de grâces, le Seigneur est avec vous ; vous êtes bénie entre toutes
les femmes ». Sainte Elisabeth a dit : « Le fruit de vos entrailles est béni ». L'Église a ajouté aux paroles de
l'Ange : « Marie ». L'Ange n'avait pas prononcé ce nom sacré, dont l'interprétation, du reste, s'accorde on ne
peut mieux avec le salut qu'il adressait à la Vierge de Nazareth.
« Depuis la plus haute antiquité, c'était une grande chose que l'apparition des Anges aux hommes. Mais qu'un
Ange eût rendu honneur à un homme, jamais on ne l'avait ouï raconter, jusqu'au moment où Gabriel salua la
Bienheureuse Vierge Marie, en lui disant humblement : « Je vous salue ».
« L'Ange ne pouvait s'incliner devant l'homme, avant que la nature humaine eût un représentant doué des
dons célestes à un plus haut degré que l'Ange. Ce représentant a été la Bienheureuse Vierge Marie, et l'Ange
a voulu reconnaître sa prééminence en lui rendant hommage, et en lui disant : « Je vous salue, pleine de
grâces ». Aucun des Esprits célestes ne possède la grâce avec la même plénitude que la Bienheureuse Vierge
Marie, et l'Ange Gabriel nous insinue cette vérité lorsqu'il la salue pleine de grâces, comme s'il disait :
« Voici pourquoi je vous vénère : c'est parce que votre plénitude de grâce surpasse la mienne ». Or, la très
Sainte Vierge a été pleine de grâces. comblée de la plénitude de sa grâce, quant à son âme, pour fuir le mal et
pratiquer le bien. La très-Sainte Vierge a aussi été pleine de grâces quant au rejaillissement de son âme sur
son corps. L'amour du Saint Esprit consumait si passionnément son âme, qu'il opérait des merveilles jusque
dans sa chair, tellement que de cette chair naquit le Dieu-Homme : « L'Etre infiniment saint qui naîtra de
Vous s'appellera le Fils de Dieu ». Enfin la très Sainte Vierge est pleine de grâces, quant à la diffusion de sa
grâce sur tous les hommes. Point de péril dans la glorieuse Vierge ne puisse vous sauver(Cant. 4, 4), pas
d'acte de vertu pour lequel Vous ne puissiez obtenir d'elle une aide. C'est pourquoi Elle dit d'Elle-même :
« J'ai en moi tout espoir de vie et de vertu ». (Eccl. 24, 23).
« Le Seigneur est avec Vous ». Marie surpasse les Anges par sa familiarité avec Dieu, et Gabriel le reconnaît
en lui disant : « Le Seigneur est avec Vous ».Voici pourquoi je vous vénère ; c'est parce que vous êtes plus
familière avec Dieu que moi ; car le Seigneur est avec Vous... » « Le Seigneur est avec Vous ! » Nulle parole
plus magnifique ne pouvait lui être adressée. Ah ! l'Ange a raison de vénérer la Vierge qui est la Mère de son
Seigneur. Cette Vierge est sa Dame ; Elle est notre Dame, selon l'étymologie de ce nom de Marie qui lui
convient si bien ! Enfin Marie surpasse les Anges, par la dignité de sa nature, à cause de son admirable
pureté. Marie n'était pas seulement pure en Elle-même, elle communiquait encore la pureté aux autres.
« Vous êtes bénie entre toutes les femmes ». Marie a été exempte de la malédiction portée contre la race
humaine ; par conséquent elle est bénie entre toutes les femmes. Seule elle a écarté la malédiction, et apporté
la bénédiction ; seule elle a ouvert les portes du Paradis, et c'est pourquoi ce nom de Marie, qui signifie
Étoile de la Mer, lui convient. Marie dirige les chrétiens à la gloire, comme l’Étoile de la mer dirige les
navigateurs vers le port. « Et le fruit de vos entrailles est béni ». Les Anges soupirent après la vue du Fils des
entrailles de Marie. Il est le plus beau des enfants des hommes, et cela parce qu'il est la splendeur de la gloire
de son Père. Ce que nous désirons, cherchons-le donc dans ce fruit béni des entrailles de Marie. Fruit béni de
Dieu, qui l'a rempli de toute grâce, afin qu'il la transmît à ceux qui l'honoreraient dignement. Bénie soit donc
la très Sainte Vierge, mais béni soit davantage le fruit de ses entrailles ! » (Extrait de l'Opuscule de saint
Thomas d'Aquin sur la Salutation angélique).
Pour ce qui est de la conclusion de la Salutation angélique, saint Thomas d'Aquin ne la commente pas.
L'usage ne l'avait point encore adoptée à l'époque à laquelle il vivait. Elle date de loin cependant, du concile
d’Éphèse, et Saint Cyrille en est l'auteur. Le pape Célestin 1er ordonna qu'elle terminerait la Salutation
angélique ; ce fut le pape dominicain, saint Pie V, qui l'inséra le premier au Bréviaire romain. Le nom
adorable de Jésus n'a été ajouté à la Salutation angélique que par le pape Urbain IV, mort en 1274. lorsque
saint Thomas avait déjà composé son commentaire. Ce pape accorda une indulgence de 30 jours à ceux qui
ajouteraient à la Salutation angélique les mots Jesus Christus.
Quelle prière, après l’Oraison Dominicale, pourrait être comparée à la Salutation angélique ? La Salutation
angélique a été commencée dans les splendeurs du ciel par la très Sainte Trinité elle-même ; elle a été ensuite
apportée à la terre par un Archange, Gabriel, la force de Dieu ; elle a été complétée par sainte Élisabeth, mère
de saint Jean-Baptiste, et par l'Église. Saint Jacques, frère germain du Seigneur, l'avait insérée dans sa
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liturgie. et plusieurs Pères de l'Église firent de même. Les apôtres, si nous en croyons le « Mariale » de
Canisius, la prononçaient avant de consacrer ; et un dévot serviteur de Marie nous assure, pour l'avoir appris
sans doute par révélation, que Notre Seigneur Jésus-Christ aimait, en revenant vers sa Mère, à lui dire ces
douces paroles : « Je vous salue, pleine de grâces ».
Saint Thomas d'Aquin était encore entre les bras de sa nourrice, lorsqu'un jour on s'aperçut qu'il tenait serrée
dans sa main une toute petite feuille de papier, sans qu'on pût s'expliquer où il l'avait trouvée. Malgré toute la
résistance qu'il fit, on la lui enleva ; elle ne contenait que ces deux mots : « Ave Maria ! » le salut adressé à la
Reine des Vierges ! Ainsi cet enfant prédestiné s'élançait, avant de se connaître lui-même, vers la Vierge
Immaculée. Une tendre impulsion dirigea toujours ses vœux et ses soupirs vers la Reine des Vierges, et toute
sa vie il fut fidèle à la dévotion du Rosaire qui est en même temps celle des plus hautes intelligences et celle
des plus simples enfants de Dieu. Cet amour de saint Thomas pour Marie reçut dès ici-bas sa récompense.
Celle qui est appelée le Siège de la Sagesse, la Mère de la Chasteté, se montra à Thomas d'Aquin, ce génie si
lumineux et si pur. La Reine du Rosaire daigna dévoiler ses traits divins aux regards de son fidèle serviteur,
et faire entendre à son oreille ravie le son de sa divine voix.
À peine sainte Catherine de Sienne commença-t-elle à parler, qu'on lui apprit à prier Dieu et Marie. À cinq
ans, elle savait la Salutation angélique, et la récitait presque sans cesse. Quand elle montait ou descendait les
escaliers, elle faisait une génuflexion à chaque marche en disant un Ave Maria. Marie, qui ne se laisse jamais
vaincre en générosité, récompensa par des faveurs sans nombre les fervents saints que lui adressait la jeune
sainte. À l'âge de dix ans elle lui inspira la pensée de choisir Jésus pour le seul époux de son cœur, et plus
tard la Bienheureuse Mère de Jésus-Christ présida à ce mariage qui fut célébré miraculeusement.
La ferveur des Ave Maria qui sortaient de la bouche du Bienheureux Jacques Salomon faisait fleurir en hiver
les roses du cloître de son couvent. L'arme puissante qu'il employait pour conquérir les âmes était la
récitation de l'Ave Maria.
Jésus et Marie apprirent au vénérable Père Michel de Benavidès, troisième archevêque de Manille, à
commencer toutes ses actions par la récitation de la Salutation angélique.
Dès l'âge de sept ans, la bienheureuse Bienvenue disait tous les jours, en l'honneur de la très Sainte Vierge
1,000 Ave Maria, le samedi 2,000, et le jour de l'Annonciation 5,000.
La B. Jeanne, infante de Portugal, ne sortait et ne rentrait jamais dans sa cellule sans saluer Marie par l'Ave
Maria, qu'elle récitait encore à chaque marche d'escalier.
La sœur Guyomard du Rosaire, qui avait une dévotion très-remarquable au Rosaire, vit un jour, à chaque Ave
Maria qu'elle récitait, éclore à ses pieds une belle rose.
La sœur Heilrade, des Unterlinden, trouvait une douceur particulière au Pater et à la Salutation angélique ;
elle les récitait au moins mille fois par jour, et leur découvrait toujours un charme nouveau. La Vénérable
mère Catherine de sainte Marie avait la même pratique.
La très Sainte Vierge dit au Bienheureux Alain de la Roche : « Sache, mon fils, et fais-le connaître à tous,
qu'un signe probable et prochain de la damnation éternelle est d'avoir de l'aversion, de la tiédeur, de la
négligence à dire la Salutation angélique, qui a réparé tout le monde. Ceux et celles qui ont d'ailleurs de
grandes marques de prédestination aiment, goûtent et récitent avec plaisir l'Ave Maria, et plus ils sont à Dieu,
plus ils aiment cette prière ».
II. « Je ne sais comment cela se fait, dit Saint Louis-Marie Grignon de Montfort ; mais je n'ai pas un meilleur
secret pour connaître si une personne est de Dieu, que d'examiner si elle aime à dire l'Ave Maria et le
chapelet ».
« Âmes prédestinées, apprenez que l'Ave Maria est la plus belle de toutes les prières après le Pater, c'est le
plus parfait compliment que vous puissiez faire à Marie, parce que c'est le compliment que le Très-Haut lui
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envoya faire par un Archange, pour gagner son cœur, par les charmes secrets dont il est plein, et la décider à
donner son consentement à l'Incarnation du Verbe, malgré sa profonde humilité ; c'est par ce compliment
aussi que vous gagnerez infailliblement son cœur, si vous le dites comme il faut ». (Traité de la vraie
dévotion à. la sainte Vierge).
Ave, Maria, gratia plena, Dominus tecum, benedicta tu in mulieribus, et benedictus fructus ventris tui Jesus.
Sancta Maria, Mater Dei, ora pro nobis peccatoribus, nunc et in hora mortis nostræ. Amen.
Je vous salue Marie, comblée de grâce, le Seigneur est avec Vous. Vous êtes bénie entre toutes les femmes, et
Jésus le Fruit de vos entrailles est béni. Sainte Marie, Mère de Dieu, priez pour nous pauvres pécheurs,
maintenant et à l’heure de notre mort. Amen.
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