30. Qu'il faut implorer le secours de Dieu, et attendre avec confiance le
retour de sa grâce
1.Jésus-Christ: Mon fils, je suis le Seigneur, c'est moi qui fortifie au jour de la
tribulation.
Venez à moi quand vous souffrirez.
Ce qui surtout éloigne de vous les consolations célestes, c'est que vous recourez trop
tard à la prière.
Car avant de me prier avec instance, vous cherchez au-dehors du soulagement et une
multitude de consolations.
Mais tout cela vous sert peu, et il vous faut enfin reconnaître que c'est moi seul qui
délivre ceux qui espèrent en moi, et que hors de moi il n'est point de secours efficace,
point de conseil utile, point de remède durable.
Mais à présent que vous commencez à respirer après la tempête, ranimez-vous à la
lumière de mes miséricordes; car je suis près de vous, dit le Seigneur, pour vous rendre
tout ce que vous avez perdu et beaucoup plus encore.
2.Y-a-t'il rien qui me soit difficile ? ou serais-je semblable à ceux qui disent et ne font
pas ?
Où est votre foi ? Demeurez ferme et persévérez.
Ne vous lassez point, prenez courage; la consolation viendra en son temps.
Attendez-moi, attendez: Je viendrai, et je vous guérirai.
Ce qui vous agite est une tentation et ce qui vous effraie est une crainte vaine.
Que vous revient-il de ces soucis d'un avenir incertain, sinon tristesse sur tristesse ? A
chaque jour suffit son mal.
Quoi de plus insensé, de plus vain, que de se réjouir ou de s'affliger de choses futures
qui n'arriveront peut-être jamais !
3.C'est une suite de la misère humaine d'être le jouet de ces imaginations et la marque
d'une âme encore faible, de céder si aisément aux suggestions de l'ennemi.
Car peu lui importe de nous séduire et de nous tromper par des objets réels ou par de
fausses images, et de nous vaincre par l'amour des biens présents ou par la crainte des
maux à venir.
Que votre coeur donc ne se trouble point, et ne craigne point.
Croyez en moi, et confiez-vous en ma miséricorde.
Quand vous croyez être loin de moi, souvent c'est alors que je suis le plus près de vous.
Lorsque vous croyez tout perdu, ce n'est souvent que l'occasion d'un plus grand mérite.
Tout n'est pas perdu, quand le succès ne répond pas à vos désirs.
Vous ne devez pas juger selon le sentiment présent ni vous abandonner à aucune
affliction, quelle qu'en soit la cause, et vous y enfoncer comme s'il ne vous restait nulle
espérance d'en sortir.
4.Ne pensez pas que je vous aie tout à fait délaissé lorsque je vous afflige pour un temps,
ou que je vous retire mes consolations; car c'est ainsi qu'on parvient au royaume des
cieux.
Et certes, il vaut mieux pour vous et pour tous mes serviteurs être exercés par des
traverses, que de n'éprouver jamais aucune contrariété.
Je connais le secret de votre coeur et je sais qu'il est utile pour votre salut que vous
soyez quelquefois dans la sécheresse, de crainte qu'une ferveur continue ne vous porte
à la présomption et que par une vaine complaisance en vous-même, vous ne vous
imaginiez être ce que vous n'êtes pas.
Ce que j'ai donné, je puis l'ôter et le rendre quand il me plaît.
5.Ce que je donne est toujours à moi; ce que je reprends n'est point à vous, car c'est de
moi que découle tout bien et tout don parfait.
Si je vous envoie quelque peine et quelque contradiction, n'en murmurez pas, et que
votre coeur ne se laisse point abattre; car je puis en un moment vous délivrer de ce
fardeau et changer votre tristesse en joie.
Et lorsque j'en use ainsi avec vous, je suis juste et digne de toute louange.
6.Si vous jugez selon la sagesse et la vérité, vous ne devez jamais vous affliger avec tant
d'excès dans l'adversité, mais plutôt vous en réjouir et m'en rendre grâces.
Et même ce doit être votre unique joie que je vous frappe sans vous épargner.
Comme mon Père m'a aimé, moi aussi je vous aime, ai-je dit à mes disciples en les
envoyant, non pour goûter les joies du monde, mais pour soutenir de grands combats;
non pour posséder les honneurs, mais pour souffrir les mépris; non pour vivre dans
l'oisiveté, mais dans le travail; non pour se reposer, mais pour porter beaucoup de
fruits par la patience. Souvenez-vous, mon fils, de ces paroles.
31. Qu'il faut oublier toutes les créatures pour trouver le Créateur
1.Le fidèle: Seigneur, j'ai besoin d'une grâce plus grande, s'il me faut parvenir à cet état
où nulle créature ne sera un lien pour moi.
Car, tant que quelque chose m'arrête, je ne puis voler librement vers vous.
Il aspirait à cette liberté, celui qui disait: Qui me donnera des ailes comme à la
colombe ? et je volerai et je me reposerai.
Quel repos plus profond que le repos de l'homme qui n'a que vous en vue ? et quoi de
plus libre que celui qui ne désire rien sur la terre ?
Il faut donc s'élever au-dessus de toutes les créatures, se détacher parfaitement de
soi-même, sortir de son esprit, monter plus haut, et là reconnaître que c'est vous qui
avez tout fait, et que rien n'est semblable à vous.
Tandis qu'on tient encore à quelque créature, on ne saurait s'occuper librement des
choses de Dieu.
Et c'est pourquoi l'on trouve peu de contemplatifs, parce que peu savent se séparer
entièrement des créatures et des choses périssables.
2.Il faut pour cela une grâce puissante qui soulève l'âme et la ravisse au-dessus
d'elle-même.
Et tant que l'homme n'est pas élevé ainsi en esprit, détaché de toute créature, et
parfaitement uni à Dieu, tout ce qu'il sait et tout ce qu'il a est de bien peu de prix.
Il sera longtemps faible et incliné vers la terre, celui qui estime quelque chose hors de
l'unique, de l'immense, de l'éternel bien.
Tout ce qui n'est pas Dieu n'est rien, et ne doit être compté pour rien.
Il y a une grande différence entre la sagesse d'un homme que la piété éclaire et la
science qu'un docteur acquiert par l'étude.
La science qui vient d'en haut et que Dieu lui-même répand dans l'âme, est bien
supérieure à celle où l'homme parvient laborieusement par les efforts de son esprit.
3.Plusieurs désirent s'élever à la contemplation; mais ce qu'il faut pour cela, ils ne le
veulent point faire.
Le grand obstacle est qu'on s'arrête à ce qu'il y a d'extérieur et de sensible, et que l'on
s'occupe peu de se mortifier véritablement.
Je ne sais ce que c'est, ni quel esprit nous conduit, ni ce que nous prétendons, nous
qu'on regarde comme des hommes tout spirituels, de poursuivre avec tant de travail et
de souci des choses viles et passagères, lorsque si rarement nous nous recueillons pour
penser sans aucune distraction à notre état intérieur.
4.Hélas ! à peine sommes-nous rentrés en nous-mêmes que nous nous hâtons d'en sortir,
sans jamais sérieusement examiner nos oeuvres.
Nous ne considérons point jusqu'où descendent nos affections et nous ne gémissons
point de ce que tout en nous est impur.
Toute chair avait corrompu sa voie; et c'est pourquoi le déluge suivit.
Quand donc nos affections intérieures sont corrompues, elles corrompent
nécessairement nos actions et dévoilent ainsi toute la faiblesse de notre âme.
Les fruits d'une bonne vie ne croissent que dans un coeur pur.
5.On demande d'un homme: Qu'a-t'il fait ? Mais s'il l'a fait par vertu, c'est à quoi l'on
regarde bien moins.
On veut savoir s'il a du courage, des richesses, de la beauté, de la science, s'il écrit ou
s'il chante bien, s'il est habile dans sa profession; mais on ne s'informe guère s'il est
humble, doux, patient, pieux, intérieur.
La nature ne considère que le dehors de l'homme; la grâce pénètre au-dedans.
Celle-là se trompe souvent; celle-ci espère en Dieu pour n'être pas trompée.
32. De l'abnégation de soi-même
1.Jésus-Christ: Mon fils, vous ne pouvez jouir d'une liberté parfaite si vous ne vous
renoncez entièrement.
Ils vivent en servitude tous ceux qui s'aiment et qui veulent être à eux-mêmes. On les
voit avides, curieux, inquiets, cherchant toujours ce qui flatte leurs sens et non ce qui
me plaît, se repaître d'illusions et former mille projets qui se dissipent.
Car tout ce qui ne vient pas de Dieu périra.
Retenez bien cette courte et profonde parole: Quittez tout, et vous trouverez tout.
Renoncez à vos désirs, et vous goûterez le repos.
Méditez ce précepte, et quand vous l'aurez accompli, vous saurez tout.
2.Le fidèle: Seigneur, ce n'est pas l'oeuvre d'un jour, ni un jeu d'enfants; cette courte
maxime renferme toute la perfection religieuse.
3.Jésus-Christ: Mon fils, vous ne devez point vous rebuter ni perdre courage lorsqu'on
vous montre la voix des parfaits, mais plutôt vous efforcer de parvenir à cet état
sublime, ou au moins y aspirer de tous vos désirs.
Ah ! s'il en était ainsi de vous ! si vous en étiez venu jusqu'à ne plus vous aimer
vous-même, soumis à moi sans réserve, et au supérieur que je vous ai donné, alors
j'arrêterais sur vous mes regards avec complaisance et tous vos jours passeraient dans
la paix et dans la joie.
Il vous reste encore bien des choses à quitter, et à moins que vous n'y renonciez
entièrement pour moi, vous n'obtiendrez point ce que vous demandez.
Ecoutez mes conseils et, pour acquérir de vraies richesses, achetez de moi l'or éprouvé
par le feu, c'est-à-dire la sagesse céleste qui foule aux pieds toutes les choses d'ici-bas.
Qu'elle vous soit plus chère que la sagesse du siècle et que tout ce qui plaît aux
hommes ou nous plaît en nous-mêmes.
4.Je vous le dis: échangez ce qu'il y a de grand et de précieux dans les choses humaines
contre une chose vile.
Car on regarde comme petite et vile, et l'on oublie presque entièrement cette sagesse du
ciel, la seule vraie, qui ne s'élève point en elle-même et qui ne cherche point à être
admirée sur la terre. Plusieurs ont ses louanges à la bouche: mais ils s'éloignent d'elle
par leur vie. C'est cependant cette perle précieuse qui est cachée au plus grand nombre.
33. De l'inconstance du coeur, et que nous devons tout rapporter à Dieu
comme à notre dernière fin
1.Mon fils, ne vous reposez point sur ce que vous sentez en vous; maintenant vous êtes
affecté d'une certaine manière, vous le serez d'une autre le moment d'après.
Tant que vous vivrez, vous serez sujet au changement, même malgré vous; tour à tour
triste et gai, tranquille et inquiet, fervent et tiède; tantôt actif, tantôt paresseux, tantôt
grave, tantôt léger.
Mais l'homme sage et instruit dans les voies spirituelles s'élève au-dessus de ces
vicissitudes. Il ne considère point ce qu'il éprouve en soi, ni de quel côté l'incline le
vent de l'inconstance; mais il arrête toute son attention sur la fin bienheureuse à
laquelle il doit tendre.
C'est ainsi qu'au milieu de tant de mouvements divers, fixant sur moi seul ses regards,
il demeure inébranlable et toujours le même.
2.Plus l'oeil de l'âme est pur et son intention droite, moins on est agité par les tempêtes.
Mais cet oeil s'obscurcit en plusieurs, parce qu'il se tourne vers chaque objet agréable
qui se présente.
Car il est rare de trouver quelqu'un tout à fait exempt de la honteuse recherche de
soi-même.
Ainsi autrefois les Juifs vinrent à Béthanie chez Marthe et Marie, non pour Jésus seul,
mais pour voir Lazare.
Il faut donc purifier l'intention afin que, simple et droite, elle se dirige constamment
vers moi, sans s'arrêter jamais aux objets inférieurs.
34. Qu'on ne saurait goûter que Dieu seul, et qu'on le goûte en toutes
choses, quand on l'aime véritablement
1.Le fidèle: Voilà mon Dieu et mon tout ! Que voudrai-je de plus ? et quelle plus grande
félicité puis-je désirer ?
Ô ravissante parole ! mais pour celui qui aime Jésus, et non pas le monde, ni rien de ce
qui est du monde.
Mon Dieu et mon tout, c'est assez dire à qui l'entend, et le redire sans cesse est doux à
celui qui aime.
Vous présent, tout est délectable; en votre absence, tout devient amer.
Vous donnez au coeur le repos, et une profonde paix, et une joie inénarrable.
Vous faites que, content de tout, on vous bénit de tout. Au contraire, rien sans vous ne
peut plaire longtemps, et rien n'a d'attrait ni de douceur sans l'impression de votre grâce
et l'onction de votre sagesse.
2.Que ne goûtera point celui qui vous goûte, et que trouvera d'agréable celui qui ne vous
goûte point ?
Les sages du monde, qui n'ont de goût que pour les voluptés de la chair, s'évanouissent
dans leur sagesse, car on ne trouve là qu'un vide immense, que la mort.
Mais ceux qui, pour vous suivre, méprisent le monde et mortifient la chair, se montrent
vraiment sages, car ils quittent le mensonge pour la vérité, et la chair pour l'esprit.
Ceux-là savent goûter Dieu; et tout ce qu'ils trouvent de bon dans les créatures, ils le
rapportent à la louange du Créateur.
Rien pourtant ne se ressemble moins que le goût du Créateur et celui de la créature, du
temps et de l'éternité, de la lumière incréée et de celle qui n'en est qu'un faible reflet.
3.Ô lumière éternelle ! infiniment élevée au-dessus de toute lumière créée, qu'un de vos
rayons, tel que la foudre, parte d'en haut et pénètre jusqu'au fond le plus intime de mon
coeur.
Purifiez, dilatez, éclairez, vivifiez mon âme et toutes ses puissances, pour qu'elle
s'unisse à vous dans des transports de joie.
Oh ! quand viendra cette heure heureuse, cette heure désirable où vous me rassasierez
de votre présence, où vous me serez tout en toutes choses ?
Jusque-là je n'aurai point de joie parfaite.
Hélas ! le vieil homme vit encore en moi: il n'est pas tout crucifié, il n'est pas mort
entièrement.
Ses convoitises combattent encore fortement contre l'esprit; il excite en moi des guerres
intestines et ne souffre point que l'âme règne en paix.
4.Mais vous qui commandez à la mer et qui calmez le mouvement des flots, levez-vous,
secourez-moi.
Dissipez les nations qui veulent la guerre, et brisez-les dans votre puissance.
Faites, je vous en conjure, éclater vos merveilles, et signalez la force de votre bras, car
je n'ai point d'autre espérance ni d'autre refuge que vous, ô mon Dieu !
35. Qu'on est toujours, durant cette vie, exposé à la tentation
1.Jésus-Christ: Mon fils, vous n'aurez jamais de sécurité dans cette vie, mais tant que
vous vivrez, les armes spirituelles vous seront toujours nécessaires.
Vous êtes environné d'ennemis: ils vous attaquent à droite et à gauche.
Si vous ne vous couvrez donc de tous côtés du bouclier de la patience, vous ne serez
pas longtemps sans blessures.
Si de plus votre coeur ne se fixe pas irrévocablement en moi, avec la ferme volonté de
tout souffrir pour mon amour, vous ne soutiendrez jamais la violence de ce combat, et
vous n'obtiendrez point la palme des bienheureux.
Il faut donc passer à travers tous les obstacles et lever un bras tout-puissant contre tout
ce qui s'oppose à vous.
Car la manne est donnée aux victorieux, et une grande misère est le partage du lâche.
2.Si vous cherchez le repos en cette vie, comment parviendrez-vous au repos éternel ?
Ne vous préparez pas à beaucoup de repos, mais à beaucoup de patience.
Cherchez la véritable paix, non sur la terre, mais dans le ciel; non dans les hommes ni
dans aucune créature, mais en Dieu seul.
Vous devez supporter tout avec joie pour l'amour de Dieu: les travaux, les douleurs,
les tentations, les persécutions, les angoisses, les besoins, les infirmités, les injures, les
médisances, les reproches, les humiliations, les affronts, les corrections, le mépris.
C'est là ce qui exerce à la vertu, ce qui éprouve le nouveau soldat de Jésus-Christ, ce
qui forme la couronne céleste.
Pour un court travail, je donnerai une récompense éternelle, et une gloire infinie pour
une humiliation passagère.
3.Pensez-vous que vous aurez toujours, selon votre désir, les consolations spirituelles ?
Mes saints n'en ont pas joui constamment, mais ils ont eu beaucoup de peines, des
tentations diverses, de grandes désolations.
Et se confiant plus en Dieu qu'en eux-mêmes, ils se sont soutenus par la patience au
milieu de toutes ces épreuves, sachant que les souffrances du temps n'ont nulle
proportion avec la gloire future qui doit en être le prix.
Voulez-vous avoir dès le premier moment ce que tant d'autres ont à peine obtenu après
beaucoup de larmes et d'immenses travaux ?
Attendez le Seigneur, combattez avec courage, soyez ferme, ne craignez point, ne
reculez point, mais exposez généreusement votre vie pour la gloire de Dieu.
Je vous récompenserai pleinement, et je serai avec vous dans toutes vos tribulations.
36. Contre les vains jugements des hommes
1.Jésus-Christ: Mon fils, ne cherchez qu'en Dieu le repos de votre coeur, et ne craignez
point les jugements des hommes quand votre conscience vous rend témoignage de
votre innocence et de votre piété.
Il est bon, il est heureux de souffrir ainsi; et ce ne sera point chose pénible pour le
coeur humble qui se confie en Dieu plus qu'en lui-même.
On parle tant qu'on doit ajouter peu de foi à ce qui se dit.
Comment, d'ailleurs, contenter tout le monde ? cela ne se peut.
Bien que Paul s'efforçât de plaire à tous dans le Seigneur, et qu'il se fît tout à tous, il
ne laissait pas d'être fort indifférent aux jugements des hommes.
2.Il a fait tout ce qui était en lui pour l'édification et le salut des autres; car il n'a pu
empêcher qu'ils ne l'aient quelquefois condamné ou méprisé.
C'est pourquoi il a remis tout à Dieu, qui connaît tout, et il n'a opposé que l'humilité et
la patience aux reproches injustes, aux faux soupçons et aux mensonges de ceux qui se
livraient dans leurs discours à tout ce que leur suggérait la passion.
Il s'est cependant justifié quelquefois, de peur que son silence ne causât du scandale
aux faibles.
3.Qu'avez-vous à craindre d'un homme mortel ? Il est aujourd'hui, et demain il aura
disparu.
Craignez Dieu, et vous ne redouterez rien des hommes.
Que peut contre vous un homme par des paroles et des outrages ? Il se nuit plus qu'à
vous et, quel qu'il soit, il n'évitera pas le jugement de Dieu.
Ayez Dieu toujours présent et laissez là les contestations et les plaintes.
Que si vous paraissez succomber maintenant et souffrir une confusion que vous ne
méritez pas, n'en murmurez point et ne diminuez pas votre couronne par votre
impatience.
Levez plutôt vos regards au ciel, vers moi qui suis assez puissant pour vous délivrer de
l'opprobre et de l'injure, et pour rendre à chacun selon ses oeuvres.
37. Qu'il faut renoncer entièrement à soi-même pour obtenir la liberté
du coeur
1.Jésus-Christ: Mon fils, quittez-vous et vous me trouverez.
N'ayez rien à vous, pas même votre volonté, vous y gagnerez constamment.
Car vous recevrez une grâce plus abondante dès que vous aurez renoncé à vous-même
sans retour.
2.Le fidèle: Seigneur, en quoi dois-je me renoncer, et combien de fois ?
3.Jésus-Christ: Toujours et à toute heure, dans les plus petites choses comme dans les
plus grandes. Je n'excepte rien et j'exige de vous un dépouillement sans réserve.
Comment pouvez-vous être à moi et comment pourrai-je être à vous si vous n'êtes pas
libre, au-dedans et au-dehors, de toute volonté propre ?
Plus vous vous hâterez d'accomplir ce renoncement, plus vous aurez de paix; et plus il
sera parfait et sincère, plus vous me serez agréable et plus vous obtiendrez de moi.
4.Il y en a qui renoncent à eux-mêmes, mais avec quelque réserve, et parce qu'ils n'ont pas
en Dieu une pleine confiance, ils veulent encore s'occuper de ce qui les touche.
Quelques-uns offrent tout d'abord; mais, la tentation survenant, ils reprennent ce qu'ils
avaient donné, et c'est pourquoi ils ne font presque aucun progrès dans la vertu.
Ni les uns ni les autres ne parviendront jamais à la vraie liberté d'un coeur pur, jamais
ils ne seront admis à ma douce familiarité qu'après un entier abandon et un continuel
sacrifice d'eux-mêmes, sans lequel on ne peut ni jouir de moi, ni s'unir à moi.
5.Je vous l'ai dit bien des fois et je vous le redis encore: Quittez-vous, renoncez à vous,
et vous jouirez d'une grande paix intérieure.
Donnez tout pour trouver tout; ne recherchez, ne demandez rien, demeurez fortement
attaché à moi seul, et vous me posséderez.
Votre coeur sera libre et dégagé des ténèbres qui l'obscurcissent.
Que vos efforts, vos prières, vos désirs n'aient qu'un seul objet: d'être dépouillé de tout
intérêt propre, de suivre nu Jésus-Christ nu, de mourir à vous-même, afin de vivre pour
moi éternellement.
Alors s'évanouiront toutes les pensées vaines, les pénibles inquiétudes, les soins
superflus.
Alors aussi s'éloigneront de vous les craintes excessives, et l'amour déréglé mourra en
vous.
38. Comment il faut se conduire dans les choses extérieures, et recourir
à Dieu dans les périls
1.Jésus-Christ: Mon fils, en tous lieux, dans tout ce que vous faites, en tout ce qui vous
occupe au-dehors, vous devez vous efforcer de demeurer libre intérieurement et maître
de vous-même, de sorte que tout vous soit assujetti et que vous ne le soyez à rien.
Ayez sur vos actions un empire absolu; soyez-en le maître et non pas l'esclave.
Tel qu'un vrai Israélite, affranchi de toute servitude, entrez dans le partage et dans la
liberté des enfants de Dieu qui, élevés au-dessus des choses présentes, contemplent
celles de l'éternité; qui donnent à peine un regard à ce qui passe et ne détachent jamais
leurs yeux de ce qui durera toujours; qui, supérieurs aux biens du temps, ne cèdent
point à leur attrait mais plutôt les forcent de servir au bien, selon l'ordre établi par
Dieu, le régulateur suprême, qui n'a rien laissé de désordonné dans ses oeuvres.
2.Si dans tous les évènements, vous ne vous arrêtez point aux apparences et n'en croyez
point les yeux de la chair sur ce que vous voyez et entendez; si vous entrez d'abord,
comme Moïse, dans le tabernacle pour consulter le Seigneur, vous recevrez
quelquefois sa divine réponse et vous reviendrez instruit de beaucoup de choses sur le
présent et l'avenir.
Car c'était toujours dans le tabernacle que Moïse allait chercher l'éclaircissement de ses
difficultés et de ses doutes; et la prière était son unique recours contre la malice et les
pièges des hommes.
Ainsi vous devez vous réfugier dans le secret de votre coeur pour implorer le secours
de Dieu avec plus d'instance.
Nous lisons que Josué et les enfants d'Israël furent trompés par les Gabaonites, parce
qu'ils n'avaient point auparavant consulté le Seigneur, et que, trop crédules à leurs
flatteuses paroles, ils se laissèrent séduire par une fausse piété.
39. Qu'il faut éviter l'empressement dans les affaires
1.Jésus-Christ: Mon fils, remettez-moi toujours vos intérêts; j'en disposerai selon ce qui
sera le mieux, au temps convenable.
Attendez ce que j'ordonnerai et vous y trouverez un grand avantage.
2.Le fidèle: Seigneur, je vous remets tout avec beaucoup de joie, car j'avance bien peu
quand je n'ai que mes propres lumières.
Oh ! que ne puis-je, oubliant l'avenir, m'abandonner dès ce moment sans réserve à votre
volonté souveraine !
3.Jésus-Christ: Mon fils, souvent l'homme poursuit avec ardeur une chose qu'il désire;
l'a-t'il obtenue, il commence à s'en dégoûter, parce qu'il n'y a rien de durable dans ses
affections, et qu'elles l'entraînent incessamment d'un objet à un autre.
Ce n'est donc pas peu de se renoncer soi-même dans les plus petites choses.
4.Le vrai progrès de l'homme est l'abnégation de soi-même; et l'homme qui ne tient plus à
soi est libre et en assurance.
Cependant l'ancien ennemi, qui s'oppose à tout bien, ne cesse pas de le tenter; il lui
dresse nuit et jour des embûches, et s'efforce de le surprendre pour le faire tomber dans
ses pièges.
Veillez et priez, dit le Seigneur, afin que vous n'entriez point en tentation.
40. Que l'homme n'a rien de bon de lui-même, et ne peut se glorifier de
rien
1.Le fidèle: Seigneur, qu'est-ce que l'homme pour que vous vous souveniez de lui ? Et
qu'est-ce que le fils de l'homme pour que vous le visitiez ?
Par où l'homme a-t'il pu mériter votre grâce ?
De quoi, Seigneur, puis-je me plaindre, si vous me délaissez ? Et qu'ai-je à dire si vous
ne faites pas ce que je demande ?
Je ne puis certes penser et dire avec vérité que ceci: Seigneur, je ne suis rien, je ne peux
rien de moi-même, je n'ai rien de bon, je sens ma faiblesse en tout, et tout m'incline
vers le néant.
Si vous ne m'aidez et ne me fortifiez intérieurement, aussitôt je tombe dans la tiédeur et
le relâchement.
2.Mais vous, Seigneur, vous êtes toujours le même, et vous demeurez éternellement bon,
juste et saint, faisant tout avec bonté, avec justice, avec sainteté, et disposant tout avec
sagesse.
Pour moi, qui ai plus de penchant à m'éloigner du bien qu'à m'en approcher, je ne
demeure pas longtemps dans un même état, et je change sept fois le jour.
Cependant je suis moins faible dès que vous le voulez, dès que vous me tendez une
main secourable, car vous pouvez seul, sans l'aide de personne, me secourir et
m'affermir de telle sorte que je ne sois plus sujet à tous ces changements, et que mon
coeur se tourne vers vous seul et s'y repose à jamais.
3.Si donc je savais rejeter toute consolation humaine, soit pour acquérir le ferveur, soit à
cause de la nécessité qui me presse de vous chercher, ne trouvant point d'homme qui
me console, alors je pourrais tout espérer de votre grâce et me réjouir de nouveau dans
les consolations que je recevrais de vous.
4.Grâces vous soient rendues, à vous de qui découle tout ce qui m'arrive de bien.
Pour moi, je ne suis devant vous que vanité et néant, qu'un homme inconstant et
fragile.
De quoi donc puis-je me glorifier ? Comment puis-je désirer qu'on m'estime ?
Serait-ce à cause de mon néant ? mais quoi de plus insensé ?
Certes, la vaine gloire est la plus grande des vanités, et un mal terrible, puisqu'elle nous
éloigne de la véritable gloire, et nous dépouille de la grâce céleste.
Car, dès que l'homme se complaît en lui-même, il commence à vous déplaire; et
lorsqu'il aspire aux louanges humaines, il perd la vraie vertu.
5.La vraie gloire et la joie sainte est de se glorifier en vous et non pas en soi; de se réjouir
de votre grandeur et non de sa propre vertu; de ne trouver de plaisir en nulle créature
qu'à cause de vous.
Que votre nom soit loué et non le mien; qu'on exalte vos oeuvres et non les miennes;
que votre saint nom soit béni, et qu'il ne me revienne rien des louanges des hommes.
Vous êtes ma gloire et la joie de mon coeur.
En vous je me glorifierai; je me réjouirai sans cesse en vous et non pas en moi, si ce
n'est dans mes infirmités.
6.Que les Juifs recherchent la gloire qu'on reçoit les uns des autres; pour moi, je ne
rechercherai que celle qui vient de Dieu seul.
Car toute gloire humaine, tout honneur du temps, toute grandeur de ce monde,
comparée à votre gloire éternelle, est folie et vanité.
Ô ma vérité, ma miséricorde, ô mon Dieu ! Trinité bienheureuse ! à vous seule louange,
honneur, gloire, puissance dans les siècles des siècles !
41. Du mépris de tous les honneurs du temps
1.Jésus-Christ: Mon fils, n'enviez point les autres si vous les voyez honorés et élevés
tandis qu'on vous méprise et qu'on vous humilie.
Elevez votre coeur au ciel vers moi et vous ne vous affligerez point d'être méprisé des
hommes sur la terre.
2.Le fidèle: Seigneur, nous sommes aveuglés et la vanité nous séduit bien vite.
Si je me considère attentivement, je reconnais qu'aucune créature ne m'a jamais fait
d'injustice, et qu'ainsi je n'ai nul sujet de me plaindre de vous.
Après vous avoir tant offensé et si grièvement, il est juste que toute créature s'arme
contre moi.
La honte et le mépris, voilà donc ce qui m'est dû; et à vous la louange, l'honneur et la
gloire.
Et si je ne me dispose à souffrir avec joie, à désirer même d'être méprisé, abandonné de
toutes les créatures et compté pour rien, je ne puis ni posséder au-dedans de moi une
paix solide, ni recevoir la lumière spirituelle, ni être parfaitement uni à vous.
42. Qu'il ne faut pas que notre paix dépende des hommes
1.Jésus-Christ: Si vous faites dépendre votre paix de quelque personne, à cause de
l'habitude de vivre avec elle et de la conformité de vos sentiments, vous serez dans
l'inquiétude et le trouble.
Mais si vous cherchez votre appui dans la vérité immuable et toujours vivante, vous ne
serez point accablé de tristesse quand un ami s'éloigne ou meurt.
Toute amitié doit être fondée sur moi; et c'est pour moi que vous devez aimer tous
ceux qui vous paraissent aimables et qui vous sont les plus chers en cette vie.
Sans moi, l'amitié est stérile et dure peu, et toute affection dont je ne suis pas le lien
n'est ni véritable ni pure.
Vous devez être mort à toutes ces affections humaines, jusqu'à souhaiter de n'avoir, s'il
se pouvait, aucun commerce avec les hommes.
Plus l'homme s'éloigne des consolations de la terre, plus il s'approche de Dieu.
Et il s'élève d'autant plus vers Dieu qu'il descend plus profond en lui-même, et qu'il est
plus vil à ses propres yeux.
2.Celui qui s'attribue quelque bien empêche que la grâce de Dieu descende en lui, parce
que la grâce de l'Esprit-Saint cherche toujours les coeurs humbles.
Si vous savez vous anéantir parfaitement et bannir de votre coeur tout amour de la
créature, alors, venant à vous, je vous inonderai de ma grâce.
Quand vous regardez la créature, vous perdez de vue le créateur.
Apprenez à vous vaincre en tout à cause de lui et vous pourrez alors parvenir à le
connaître.
Le plus petit objet désiré, aimé avec excès, souille l'âme et la sépare du souverain bien.
43. Contre la vaine science du siècle
1.Jésus-Christ: Mon fils, ne vous laissez pas émouvoir au charme et à la beauté des
discours des hommes, car le royaume de Dieu ne consiste pas dans les discours, mais
dans les oeuvres.
Soyez attentif à mes paroles qui enflamment le coeur, éclairent, attendrissent l'âme, et
la remplissent de consolation.
Ne lisez jamais pour paraître plus savant ou plus sage;
Etudiez-vous à mortifier vos vices; cela vous servira plus que la connaissance des
questions les plus difficiles.
2.Après avoir beaucoup lu et beaucoup appris, il en faut toujours revenir à l'unique
principe de toutes choses:
C'est moi qui donne à l'homme la science et qui éclaire l'intelligence des petits
enfants, plus que l'homme ne le pourrait par aucun enseignement.
Celui à qui je parle est bientôt instruit, et fait de grands progrès dans la vie de l'esprit.
Malheur à ceux qui interrogent les hommes sur toutes sortes de questions curieuses et
qui s'inquiètent peu d'apprendre à me servir !
Viendra le jour où Jésus-Christ, le Maître des maîtres, le Seigneur des anges, apparaîtra
pour demander compte à chacun de ce qu'il sait, c'est-à-dire pour examiner les
consciences.
Et alors, la lampe à la main, il scrutera Jérusalem: les secrets des ténèbres seront
dévoilés, et toute langue se taira.
3.C'est moi qui, en un moment, élève l'âme humble et la fais pénétrer plus avant dans la
vérité éternelle que ne le pourrait celui qui aurait étudié dix années dans les écoles.
J'enseigne sans bruit de paroles, sans embarras d'opinion, sans faste, sans arguments,
sans disputes.
J'apprends à mépriser les biens de la terre, à dédaigner ce qui passe, à rechercher et à
goûter ce qui est éternel, à fuir les honneurs, à souffrir les scandales, à mettre en moi
toute son espérance, à ne désirer rien hors de moi et à m'aimer ardemment par-dessus
tout.
4.Quelques-uns, en m'aimant ainsi, ont appris des choses toutes divines, dont ils parlaient
d'une manière admirable.
Ils ont fait plus de progrès en quittant tout, que par une profonde étude.
Mais je dis aux uns des choses plus générales; aux autres, de plus particulières.
J'apparais à quelques-uns doucement voilé sous des ombres et des figures; je révèle à
d'autres mes mystères au milieu d'une vive splendeur.
Les livres parlent à tous le même langage, mais il ne produit pas sur tous les mêmes
impressions, parce que moi seul j'enseigne la vérité au-dedans, je scrute les coeurs, je
pénètre leurs pensées, j'excite à agir, et je distribue mes dons à chacun selon qu'il me
plaît.
44. Qu'il ne faut point s'embarrasser dans les choses extérieures
1.Jésus-Christ: Mon fils, il faut que vous vous teniez dans l'ignorance de beaucoup de
choses, que vous soyez comme mort au monde, et que le monde soit mort pour vous.
Il faut aussi fermer l'oreille à bien des discours et penser plutôt à vous conserver en
paix.
Il vaut mieux détourner les yeux de ce qui déplaît et laisser chacun dans son sentiment,
que de s'arrêter à contester.
Si vous prenez soin d'avoir Dieu pour vous et que son jugement vous soit toujours
présent, vous supporterez sans peine d'être vaincu.
2.Le fidèle: Hélas ! Seigneur, où en sommes-nous venus ? On pleure une perte
temporelle, on court, on se fatigue pour le moindre gain, et l'on oublie les pertes de
l'âme ou l'on ne s'en souvient qu'à peine et bien tard.
On est attentif à ce qui ne sert que peu ou point du tout, et l'on passe avec négligence
sur ce qui est souverainement nécessaire, parce que l'homme se répand tout entier
au-dehors et que, s'il ne rentre promptement en lui-même, il demeure avec joie enseveli
dans les choses extérieures.
45. Qu'il ne faut pas croire tout le monde, et qu'il est difficile de garder
une sage mesure dans ses paroles
1.Le fidèle: Secourez-moi, Seigneur, dans la tribulation: car le salut ne vient pas de
l'homme.
Combien de fois ai-je en vain cherché la fidélité où je croyais la trouver ? combien de
fois l'ai-je trouvée où je l'attendais le moins ?
Vanité donc d'espérer dans les hommes; mais vous êtes, mon Dieu, le salut des justes.
Soyez béni, Seigneur, en tout ce qui nous arrive. Nous sommes faibles et changeants,
un rien nous séduit et nous ébranle.
2.Quel est l'homme si vigilant et si réservé, qu'il ne tombe jamais dans aucune surprise,
ni dans aucune perplexité ?
Mais celui, mon Dieu, qui se confie en vous et qui vous cherche dans la simplicité de
son coeur, ne chancelle pas si aisément.
Et s'il éprouve quelque affliction, s'il est engagé en quelque embarras, vous l'en tirerez
bientôt ou vous le consolerez, car vous n'abandonnez pas pour toujours celui qui
espère en vous.
Quoi de plus rare qu'un ami fidèle, qui ne s'éloigne point quand l'infortune accable son
ami ?
Seigneur, vous êtes seul constamment fidèle et nul ami n'est comparable à vous.
3.Oh ! que de sagesse dans ce que disait cette sainte âme: Mon coeur est affermi et fondé
en Jésus-Christ !
S'il en était ainsi de moi, je serais moins troublé par la crainte des hommes et moins
ému de leurs paroles malignes.
Qui peut prévoir, qui peut détourner tous les maux à venir ? Si ceux qu'on a prévus
souvent blessent encore, que sera-ce donc de ceux qui nous frappent inopinément ?
Pourquoi, malheureux que je suis, n'ai-je pas pris de plus sûres précautions pour
moi-même ? Pourquoi aussi ai-je eu tant de crédulité pour les autres ?
Mais nous sommes des hommes, et rien autre chose que des hommes fragiles, quoique
plusieurs nous croient ou nous appellent des anges.
A qui croirai-je, Seigneur, si ce n'est à vous ? Vous êtes la vérité qui ne trompe point et
qu'on ne peut tromper.
Au contraire, tout homme est menteur, faible, inconstant, fragile, surtout dans ses
paroles; de sorte qu'on doit à peine croire d'abord ce qui paraît le plus vrai dans ce qu'il
dit.
4.Que vous nous avez sagement avertis de nous défier des hommes; que l'homme a pour
ennemis ceux de sa propre maison, et que si quelqu'un dit: Le Christ est ici, ou il est
là, il ne faut pas le croire.
Une dure expérience m'a éclairé; heureux si elle sert à me rendre moins insensé et plus
vigilant !
Soyez discret, me dit quelqu'un, soyez discret; ce que je vous dis n'est que pour vous.
Et pendant que je me tais et que je crois la choses secrète, il ne peut lui-même garder le
silence qu'il m'a demandé; mais dans l'instant, il me trahit, se trahit lui-même et s'en va.
Eloignez de moi, Seigneur, ces confidences trompeuses; ne permettez pas que je tombe
entre les mains de ces hommes indiscrets, ou que je leur ressemble.
Mettez dans ma bouche des paroles invariables et vraies; et que ma langue soit
étrangère à tout artifice. Ce que je ne peux souffrir en autrui, je dois m'en préserver
avec soin.
5.Oh ! qu'il est bon, qu'il est nécessaire pour la paix, de se taire sur les autres, de ne pas
tout croire indifféremment, ni tout redire sans réflexion, de se découvrir à peu de
personnes, de vous chercher toujours pour témoin de son coeur, de ne pas se laisser
emporter à tout vent de paroles, mais de désirer que tout en nous et hors de nous
s'accomplisse selon qu'il plaît à votre volonté.
Que c'est encore un sûr moyen pour conserver la grâce céleste, de fuir ce qui a de l'éclat
aux yeux des hommes, de ne point rechercher ce qui semble attirer leur admiration,
mais de travailler ardemment à acquérir ce qui produit la ferveur et corrige la vie !
A combien d'hommes a été funeste une vertu connue et louée trop tôt !
Que de fruits, au contraire, d'autres ont tirés d'une grâce conservée en silence durant
cette vie fragile, qui n'est qu'une tentation et une guerre continuelle !
retour de sa grâce
1.Jésus-Christ: Mon fils, je suis le Seigneur, c'est moi qui fortifie au jour de la
tribulation.
Venez à moi quand vous souffrirez.
Ce qui surtout éloigne de vous les consolations célestes, c'est que vous recourez trop
tard à la prière.
Car avant de me prier avec instance, vous cherchez au-dehors du soulagement et une
multitude de consolations.
Mais tout cela vous sert peu, et il vous faut enfin reconnaître que c'est moi seul qui
délivre ceux qui espèrent en moi, et que hors de moi il n'est point de secours efficace,
point de conseil utile, point de remède durable.
Mais à présent que vous commencez à respirer après la tempête, ranimez-vous à la
lumière de mes miséricordes; car je suis près de vous, dit le Seigneur, pour vous rendre
tout ce que vous avez perdu et beaucoup plus encore.
2.Y-a-t'il rien qui me soit difficile ? ou serais-je semblable à ceux qui disent et ne font
pas ?
Où est votre foi ? Demeurez ferme et persévérez.
Ne vous lassez point, prenez courage; la consolation viendra en son temps.
Attendez-moi, attendez: Je viendrai, et je vous guérirai.
Ce qui vous agite est une tentation et ce qui vous effraie est une crainte vaine.
Que vous revient-il de ces soucis d'un avenir incertain, sinon tristesse sur tristesse ? A
chaque jour suffit son mal.
Quoi de plus insensé, de plus vain, que de se réjouir ou de s'affliger de choses futures
qui n'arriveront peut-être jamais !
3.C'est une suite de la misère humaine d'être le jouet de ces imaginations et la marque
d'une âme encore faible, de céder si aisément aux suggestions de l'ennemi.
Car peu lui importe de nous séduire et de nous tromper par des objets réels ou par de
fausses images, et de nous vaincre par l'amour des biens présents ou par la crainte des
maux à venir.
Que votre coeur donc ne se trouble point, et ne craigne point.
Croyez en moi, et confiez-vous en ma miséricorde.
Quand vous croyez être loin de moi, souvent c'est alors que je suis le plus près de vous.
Lorsque vous croyez tout perdu, ce n'est souvent que l'occasion d'un plus grand mérite.
Tout n'est pas perdu, quand le succès ne répond pas à vos désirs.
Vous ne devez pas juger selon le sentiment présent ni vous abandonner à aucune
affliction, quelle qu'en soit la cause, et vous y enfoncer comme s'il ne vous restait nulle
espérance d'en sortir.
4.Ne pensez pas que je vous aie tout à fait délaissé lorsque je vous afflige pour un temps,
ou que je vous retire mes consolations; car c'est ainsi qu'on parvient au royaume des
cieux.
Et certes, il vaut mieux pour vous et pour tous mes serviteurs être exercés par des
traverses, que de n'éprouver jamais aucune contrariété.
Je connais le secret de votre coeur et je sais qu'il est utile pour votre salut que vous
soyez quelquefois dans la sécheresse, de crainte qu'une ferveur continue ne vous porte
à la présomption et que par une vaine complaisance en vous-même, vous ne vous
imaginiez être ce que vous n'êtes pas.
Ce que j'ai donné, je puis l'ôter et le rendre quand il me plaît.
5.Ce que je donne est toujours à moi; ce que je reprends n'est point à vous, car c'est de
moi que découle tout bien et tout don parfait.
Si je vous envoie quelque peine et quelque contradiction, n'en murmurez pas, et que
votre coeur ne se laisse point abattre; car je puis en un moment vous délivrer de ce
fardeau et changer votre tristesse en joie.
Et lorsque j'en use ainsi avec vous, je suis juste et digne de toute louange.
6.Si vous jugez selon la sagesse et la vérité, vous ne devez jamais vous affliger avec tant
d'excès dans l'adversité, mais plutôt vous en réjouir et m'en rendre grâces.
Et même ce doit être votre unique joie que je vous frappe sans vous épargner.
Comme mon Père m'a aimé, moi aussi je vous aime, ai-je dit à mes disciples en les
envoyant, non pour goûter les joies du monde, mais pour soutenir de grands combats;
non pour posséder les honneurs, mais pour souffrir les mépris; non pour vivre dans
l'oisiveté, mais dans le travail; non pour se reposer, mais pour porter beaucoup de
fruits par la patience. Souvenez-vous, mon fils, de ces paroles.
31. Qu'il faut oublier toutes les créatures pour trouver le Créateur
1.Le fidèle: Seigneur, j'ai besoin d'une grâce plus grande, s'il me faut parvenir à cet état
où nulle créature ne sera un lien pour moi.
Car, tant que quelque chose m'arrête, je ne puis voler librement vers vous.
Il aspirait à cette liberté, celui qui disait: Qui me donnera des ailes comme à la
colombe ? et je volerai et je me reposerai.
Quel repos plus profond que le repos de l'homme qui n'a que vous en vue ? et quoi de
plus libre que celui qui ne désire rien sur la terre ?
Il faut donc s'élever au-dessus de toutes les créatures, se détacher parfaitement de
soi-même, sortir de son esprit, monter plus haut, et là reconnaître que c'est vous qui
avez tout fait, et que rien n'est semblable à vous.
Tandis qu'on tient encore à quelque créature, on ne saurait s'occuper librement des
choses de Dieu.
Et c'est pourquoi l'on trouve peu de contemplatifs, parce que peu savent se séparer
entièrement des créatures et des choses périssables.
2.Il faut pour cela une grâce puissante qui soulève l'âme et la ravisse au-dessus
d'elle-même.
Et tant que l'homme n'est pas élevé ainsi en esprit, détaché de toute créature, et
parfaitement uni à Dieu, tout ce qu'il sait et tout ce qu'il a est de bien peu de prix.
Il sera longtemps faible et incliné vers la terre, celui qui estime quelque chose hors de
l'unique, de l'immense, de l'éternel bien.
Tout ce qui n'est pas Dieu n'est rien, et ne doit être compté pour rien.
Il y a une grande différence entre la sagesse d'un homme que la piété éclaire et la
science qu'un docteur acquiert par l'étude.
La science qui vient d'en haut et que Dieu lui-même répand dans l'âme, est bien
supérieure à celle où l'homme parvient laborieusement par les efforts de son esprit.
3.Plusieurs désirent s'élever à la contemplation; mais ce qu'il faut pour cela, ils ne le
veulent point faire.
Le grand obstacle est qu'on s'arrête à ce qu'il y a d'extérieur et de sensible, et que l'on
s'occupe peu de se mortifier véritablement.
Je ne sais ce que c'est, ni quel esprit nous conduit, ni ce que nous prétendons, nous
qu'on regarde comme des hommes tout spirituels, de poursuivre avec tant de travail et
de souci des choses viles et passagères, lorsque si rarement nous nous recueillons pour
penser sans aucune distraction à notre état intérieur.
4.Hélas ! à peine sommes-nous rentrés en nous-mêmes que nous nous hâtons d'en sortir,
sans jamais sérieusement examiner nos oeuvres.
Nous ne considérons point jusqu'où descendent nos affections et nous ne gémissons
point de ce que tout en nous est impur.
Toute chair avait corrompu sa voie; et c'est pourquoi le déluge suivit.
Quand donc nos affections intérieures sont corrompues, elles corrompent
nécessairement nos actions et dévoilent ainsi toute la faiblesse de notre âme.
Les fruits d'une bonne vie ne croissent que dans un coeur pur.
5.On demande d'un homme: Qu'a-t'il fait ? Mais s'il l'a fait par vertu, c'est à quoi l'on
regarde bien moins.
On veut savoir s'il a du courage, des richesses, de la beauté, de la science, s'il écrit ou
s'il chante bien, s'il est habile dans sa profession; mais on ne s'informe guère s'il est
humble, doux, patient, pieux, intérieur.
La nature ne considère que le dehors de l'homme; la grâce pénètre au-dedans.
Celle-là se trompe souvent; celle-ci espère en Dieu pour n'être pas trompée.
32. De l'abnégation de soi-même
1.Jésus-Christ: Mon fils, vous ne pouvez jouir d'une liberté parfaite si vous ne vous
renoncez entièrement.
Ils vivent en servitude tous ceux qui s'aiment et qui veulent être à eux-mêmes. On les
voit avides, curieux, inquiets, cherchant toujours ce qui flatte leurs sens et non ce qui
me plaît, se repaître d'illusions et former mille projets qui se dissipent.
Car tout ce qui ne vient pas de Dieu périra.
Retenez bien cette courte et profonde parole: Quittez tout, et vous trouverez tout.
Renoncez à vos désirs, et vous goûterez le repos.
Méditez ce précepte, et quand vous l'aurez accompli, vous saurez tout.
2.Le fidèle: Seigneur, ce n'est pas l'oeuvre d'un jour, ni un jeu d'enfants; cette courte
maxime renferme toute la perfection religieuse.
3.Jésus-Christ: Mon fils, vous ne devez point vous rebuter ni perdre courage lorsqu'on
vous montre la voix des parfaits, mais plutôt vous efforcer de parvenir à cet état
sublime, ou au moins y aspirer de tous vos désirs.
Ah ! s'il en était ainsi de vous ! si vous en étiez venu jusqu'à ne plus vous aimer
vous-même, soumis à moi sans réserve, et au supérieur que je vous ai donné, alors
j'arrêterais sur vous mes regards avec complaisance et tous vos jours passeraient dans
la paix et dans la joie.
Il vous reste encore bien des choses à quitter, et à moins que vous n'y renonciez
entièrement pour moi, vous n'obtiendrez point ce que vous demandez.
Ecoutez mes conseils et, pour acquérir de vraies richesses, achetez de moi l'or éprouvé
par le feu, c'est-à-dire la sagesse céleste qui foule aux pieds toutes les choses d'ici-bas.
Qu'elle vous soit plus chère que la sagesse du siècle et que tout ce qui plaît aux
hommes ou nous plaît en nous-mêmes.
4.Je vous le dis: échangez ce qu'il y a de grand et de précieux dans les choses humaines
contre une chose vile.
Car on regarde comme petite et vile, et l'on oublie presque entièrement cette sagesse du
ciel, la seule vraie, qui ne s'élève point en elle-même et qui ne cherche point à être
admirée sur la terre. Plusieurs ont ses louanges à la bouche: mais ils s'éloignent d'elle
par leur vie. C'est cependant cette perle précieuse qui est cachée au plus grand nombre.
33. De l'inconstance du coeur, et que nous devons tout rapporter à Dieu
comme à notre dernière fin
1.Mon fils, ne vous reposez point sur ce que vous sentez en vous; maintenant vous êtes
affecté d'une certaine manière, vous le serez d'une autre le moment d'après.
Tant que vous vivrez, vous serez sujet au changement, même malgré vous; tour à tour
triste et gai, tranquille et inquiet, fervent et tiède; tantôt actif, tantôt paresseux, tantôt
grave, tantôt léger.
Mais l'homme sage et instruit dans les voies spirituelles s'élève au-dessus de ces
vicissitudes. Il ne considère point ce qu'il éprouve en soi, ni de quel côté l'incline le
vent de l'inconstance; mais il arrête toute son attention sur la fin bienheureuse à
laquelle il doit tendre.
C'est ainsi qu'au milieu de tant de mouvements divers, fixant sur moi seul ses regards,
il demeure inébranlable et toujours le même.
2.Plus l'oeil de l'âme est pur et son intention droite, moins on est agité par les tempêtes.
Mais cet oeil s'obscurcit en plusieurs, parce qu'il se tourne vers chaque objet agréable
qui se présente.
Car il est rare de trouver quelqu'un tout à fait exempt de la honteuse recherche de
soi-même.
Ainsi autrefois les Juifs vinrent à Béthanie chez Marthe et Marie, non pour Jésus seul,
mais pour voir Lazare.
Il faut donc purifier l'intention afin que, simple et droite, elle se dirige constamment
vers moi, sans s'arrêter jamais aux objets inférieurs.
34. Qu'on ne saurait goûter que Dieu seul, et qu'on le goûte en toutes
choses, quand on l'aime véritablement
1.Le fidèle: Voilà mon Dieu et mon tout ! Que voudrai-je de plus ? et quelle plus grande
félicité puis-je désirer ?
Ô ravissante parole ! mais pour celui qui aime Jésus, et non pas le monde, ni rien de ce
qui est du monde.
Mon Dieu et mon tout, c'est assez dire à qui l'entend, et le redire sans cesse est doux à
celui qui aime.
Vous présent, tout est délectable; en votre absence, tout devient amer.
Vous donnez au coeur le repos, et une profonde paix, et une joie inénarrable.
Vous faites que, content de tout, on vous bénit de tout. Au contraire, rien sans vous ne
peut plaire longtemps, et rien n'a d'attrait ni de douceur sans l'impression de votre grâce
et l'onction de votre sagesse.
2.Que ne goûtera point celui qui vous goûte, et que trouvera d'agréable celui qui ne vous
goûte point ?
Les sages du monde, qui n'ont de goût que pour les voluptés de la chair, s'évanouissent
dans leur sagesse, car on ne trouve là qu'un vide immense, que la mort.
Mais ceux qui, pour vous suivre, méprisent le monde et mortifient la chair, se montrent
vraiment sages, car ils quittent le mensonge pour la vérité, et la chair pour l'esprit.
Ceux-là savent goûter Dieu; et tout ce qu'ils trouvent de bon dans les créatures, ils le
rapportent à la louange du Créateur.
Rien pourtant ne se ressemble moins que le goût du Créateur et celui de la créature, du
temps et de l'éternité, de la lumière incréée et de celle qui n'en est qu'un faible reflet.
3.Ô lumière éternelle ! infiniment élevée au-dessus de toute lumière créée, qu'un de vos
rayons, tel que la foudre, parte d'en haut et pénètre jusqu'au fond le plus intime de mon
coeur.
Purifiez, dilatez, éclairez, vivifiez mon âme et toutes ses puissances, pour qu'elle
s'unisse à vous dans des transports de joie.
Oh ! quand viendra cette heure heureuse, cette heure désirable où vous me rassasierez
de votre présence, où vous me serez tout en toutes choses ?
Jusque-là je n'aurai point de joie parfaite.
Hélas ! le vieil homme vit encore en moi: il n'est pas tout crucifié, il n'est pas mort
entièrement.
Ses convoitises combattent encore fortement contre l'esprit; il excite en moi des guerres
intestines et ne souffre point que l'âme règne en paix.
4.Mais vous qui commandez à la mer et qui calmez le mouvement des flots, levez-vous,
secourez-moi.
Dissipez les nations qui veulent la guerre, et brisez-les dans votre puissance.
Faites, je vous en conjure, éclater vos merveilles, et signalez la force de votre bras, car
je n'ai point d'autre espérance ni d'autre refuge que vous, ô mon Dieu !
35. Qu'on est toujours, durant cette vie, exposé à la tentation
1.Jésus-Christ: Mon fils, vous n'aurez jamais de sécurité dans cette vie, mais tant que
vous vivrez, les armes spirituelles vous seront toujours nécessaires.
Vous êtes environné d'ennemis: ils vous attaquent à droite et à gauche.
Si vous ne vous couvrez donc de tous côtés du bouclier de la patience, vous ne serez
pas longtemps sans blessures.
Si de plus votre coeur ne se fixe pas irrévocablement en moi, avec la ferme volonté de
tout souffrir pour mon amour, vous ne soutiendrez jamais la violence de ce combat, et
vous n'obtiendrez point la palme des bienheureux.
Il faut donc passer à travers tous les obstacles et lever un bras tout-puissant contre tout
ce qui s'oppose à vous.
Car la manne est donnée aux victorieux, et une grande misère est le partage du lâche.
2.Si vous cherchez le repos en cette vie, comment parviendrez-vous au repos éternel ?
Ne vous préparez pas à beaucoup de repos, mais à beaucoup de patience.
Cherchez la véritable paix, non sur la terre, mais dans le ciel; non dans les hommes ni
dans aucune créature, mais en Dieu seul.
Vous devez supporter tout avec joie pour l'amour de Dieu: les travaux, les douleurs,
les tentations, les persécutions, les angoisses, les besoins, les infirmités, les injures, les
médisances, les reproches, les humiliations, les affronts, les corrections, le mépris.
C'est là ce qui exerce à la vertu, ce qui éprouve le nouveau soldat de Jésus-Christ, ce
qui forme la couronne céleste.
Pour un court travail, je donnerai une récompense éternelle, et une gloire infinie pour
une humiliation passagère.
3.Pensez-vous que vous aurez toujours, selon votre désir, les consolations spirituelles ?
Mes saints n'en ont pas joui constamment, mais ils ont eu beaucoup de peines, des
tentations diverses, de grandes désolations.
Et se confiant plus en Dieu qu'en eux-mêmes, ils se sont soutenus par la patience au
milieu de toutes ces épreuves, sachant que les souffrances du temps n'ont nulle
proportion avec la gloire future qui doit en être le prix.
Voulez-vous avoir dès le premier moment ce que tant d'autres ont à peine obtenu après
beaucoup de larmes et d'immenses travaux ?
Attendez le Seigneur, combattez avec courage, soyez ferme, ne craignez point, ne
reculez point, mais exposez généreusement votre vie pour la gloire de Dieu.
Je vous récompenserai pleinement, et je serai avec vous dans toutes vos tribulations.
36. Contre les vains jugements des hommes
1.Jésus-Christ: Mon fils, ne cherchez qu'en Dieu le repos de votre coeur, et ne craignez
point les jugements des hommes quand votre conscience vous rend témoignage de
votre innocence et de votre piété.
Il est bon, il est heureux de souffrir ainsi; et ce ne sera point chose pénible pour le
coeur humble qui se confie en Dieu plus qu'en lui-même.
On parle tant qu'on doit ajouter peu de foi à ce qui se dit.
Comment, d'ailleurs, contenter tout le monde ? cela ne se peut.
Bien que Paul s'efforçât de plaire à tous dans le Seigneur, et qu'il se fît tout à tous, il
ne laissait pas d'être fort indifférent aux jugements des hommes.
2.Il a fait tout ce qui était en lui pour l'édification et le salut des autres; car il n'a pu
empêcher qu'ils ne l'aient quelquefois condamné ou méprisé.
C'est pourquoi il a remis tout à Dieu, qui connaît tout, et il n'a opposé que l'humilité et
la patience aux reproches injustes, aux faux soupçons et aux mensonges de ceux qui se
livraient dans leurs discours à tout ce que leur suggérait la passion.
Il s'est cependant justifié quelquefois, de peur que son silence ne causât du scandale
aux faibles.
3.Qu'avez-vous à craindre d'un homme mortel ? Il est aujourd'hui, et demain il aura
disparu.
Craignez Dieu, et vous ne redouterez rien des hommes.
Que peut contre vous un homme par des paroles et des outrages ? Il se nuit plus qu'à
vous et, quel qu'il soit, il n'évitera pas le jugement de Dieu.
Ayez Dieu toujours présent et laissez là les contestations et les plaintes.
Que si vous paraissez succomber maintenant et souffrir une confusion que vous ne
méritez pas, n'en murmurez point et ne diminuez pas votre couronne par votre
impatience.
Levez plutôt vos regards au ciel, vers moi qui suis assez puissant pour vous délivrer de
l'opprobre et de l'injure, et pour rendre à chacun selon ses oeuvres.
37. Qu'il faut renoncer entièrement à soi-même pour obtenir la liberté
du coeur
1.Jésus-Christ: Mon fils, quittez-vous et vous me trouverez.
N'ayez rien à vous, pas même votre volonté, vous y gagnerez constamment.
Car vous recevrez une grâce plus abondante dès que vous aurez renoncé à vous-même
sans retour.
2.Le fidèle: Seigneur, en quoi dois-je me renoncer, et combien de fois ?
3.Jésus-Christ: Toujours et à toute heure, dans les plus petites choses comme dans les
plus grandes. Je n'excepte rien et j'exige de vous un dépouillement sans réserve.
Comment pouvez-vous être à moi et comment pourrai-je être à vous si vous n'êtes pas
libre, au-dedans et au-dehors, de toute volonté propre ?
Plus vous vous hâterez d'accomplir ce renoncement, plus vous aurez de paix; et plus il
sera parfait et sincère, plus vous me serez agréable et plus vous obtiendrez de moi.
4.Il y en a qui renoncent à eux-mêmes, mais avec quelque réserve, et parce qu'ils n'ont pas
en Dieu une pleine confiance, ils veulent encore s'occuper de ce qui les touche.
Quelques-uns offrent tout d'abord; mais, la tentation survenant, ils reprennent ce qu'ils
avaient donné, et c'est pourquoi ils ne font presque aucun progrès dans la vertu.
Ni les uns ni les autres ne parviendront jamais à la vraie liberté d'un coeur pur, jamais
ils ne seront admis à ma douce familiarité qu'après un entier abandon et un continuel
sacrifice d'eux-mêmes, sans lequel on ne peut ni jouir de moi, ni s'unir à moi.
5.Je vous l'ai dit bien des fois et je vous le redis encore: Quittez-vous, renoncez à vous,
et vous jouirez d'une grande paix intérieure.
Donnez tout pour trouver tout; ne recherchez, ne demandez rien, demeurez fortement
attaché à moi seul, et vous me posséderez.
Votre coeur sera libre et dégagé des ténèbres qui l'obscurcissent.
Que vos efforts, vos prières, vos désirs n'aient qu'un seul objet: d'être dépouillé de tout
intérêt propre, de suivre nu Jésus-Christ nu, de mourir à vous-même, afin de vivre pour
moi éternellement.
Alors s'évanouiront toutes les pensées vaines, les pénibles inquiétudes, les soins
superflus.
Alors aussi s'éloigneront de vous les craintes excessives, et l'amour déréglé mourra en
vous.
38. Comment il faut se conduire dans les choses extérieures, et recourir
à Dieu dans les périls
1.Jésus-Christ: Mon fils, en tous lieux, dans tout ce que vous faites, en tout ce qui vous
occupe au-dehors, vous devez vous efforcer de demeurer libre intérieurement et maître
de vous-même, de sorte que tout vous soit assujetti et que vous ne le soyez à rien.
Ayez sur vos actions un empire absolu; soyez-en le maître et non pas l'esclave.
Tel qu'un vrai Israélite, affranchi de toute servitude, entrez dans le partage et dans la
liberté des enfants de Dieu qui, élevés au-dessus des choses présentes, contemplent
celles de l'éternité; qui donnent à peine un regard à ce qui passe et ne détachent jamais
leurs yeux de ce qui durera toujours; qui, supérieurs aux biens du temps, ne cèdent
point à leur attrait mais plutôt les forcent de servir au bien, selon l'ordre établi par
Dieu, le régulateur suprême, qui n'a rien laissé de désordonné dans ses oeuvres.
2.Si dans tous les évènements, vous ne vous arrêtez point aux apparences et n'en croyez
point les yeux de la chair sur ce que vous voyez et entendez; si vous entrez d'abord,
comme Moïse, dans le tabernacle pour consulter le Seigneur, vous recevrez
quelquefois sa divine réponse et vous reviendrez instruit de beaucoup de choses sur le
présent et l'avenir.
Car c'était toujours dans le tabernacle que Moïse allait chercher l'éclaircissement de ses
difficultés et de ses doutes; et la prière était son unique recours contre la malice et les
pièges des hommes.
Ainsi vous devez vous réfugier dans le secret de votre coeur pour implorer le secours
de Dieu avec plus d'instance.
Nous lisons que Josué et les enfants d'Israël furent trompés par les Gabaonites, parce
qu'ils n'avaient point auparavant consulté le Seigneur, et que, trop crédules à leurs
flatteuses paroles, ils se laissèrent séduire par une fausse piété.
39. Qu'il faut éviter l'empressement dans les affaires
1.Jésus-Christ: Mon fils, remettez-moi toujours vos intérêts; j'en disposerai selon ce qui
sera le mieux, au temps convenable.
Attendez ce que j'ordonnerai et vous y trouverez un grand avantage.
2.Le fidèle: Seigneur, je vous remets tout avec beaucoup de joie, car j'avance bien peu
quand je n'ai que mes propres lumières.
Oh ! que ne puis-je, oubliant l'avenir, m'abandonner dès ce moment sans réserve à votre
volonté souveraine !
3.Jésus-Christ: Mon fils, souvent l'homme poursuit avec ardeur une chose qu'il désire;
l'a-t'il obtenue, il commence à s'en dégoûter, parce qu'il n'y a rien de durable dans ses
affections, et qu'elles l'entraînent incessamment d'un objet à un autre.
Ce n'est donc pas peu de se renoncer soi-même dans les plus petites choses.
4.Le vrai progrès de l'homme est l'abnégation de soi-même; et l'homme qui ne tient plus à
soi est libre et en assurance.
Cependant l'ancien ennemi, qui s'oppose à tout bien, ne cesse pas de le tenter; il lui
dresse nuit et jour des embûches, et s'efforce de le surprendre pour le faire tomber dans
ses pièges.
Veillez et priez, dit le Seigneur, afin que vous n'entriez point en tentation.
40. Que l'homme n'a rien de bon de lui-même, et ne peut se glorifier de
rien
1.Le fidèle: Seigneur, qu'est-ce que l'homme pour que vous vous souveniez de lui ? Et
qu'est-ce que le fils de l'homme pour que vous le visitiez ?
Par où l'homme a-t'il pu mériter votre grâce ?
De quoi, Seigneur, puis-je me plaindre, si vous me délaissez ? Et qu'ai-je à dire si vous
ne faites pas ce que je demande ?
Je ne puis certes penser et dire avec vérité que ceci: Seigneur, je ne suis rien, je ne peux
rien de moi-même, je n'ai rien de bon, je sens ma faiblesse en tout, et tout m'incline
vers le néant.
Si vous ne m'aidez et ne me fortifiez intérieurement, aussitôt je tombe dans la tiédeur et
le relâchement.
2.Mais vous, Seigneur, vous êtes toujours le même, et vous demeurez éternellement bon,
juste et saint, faisant tout avec bonté, avec justice, avec sainteté, et disposant tout avec
sagesse.
Pour moi, qui ai plus de penchant à m'éloigner du bien qu'à m'en approcher, je ne
demeure pas longtemps dans un même état, et je change sept fois le jour.
Cependant je suis moins faible dès que vous le voulez, dès que vous me tendez une
main secourable, car vous pouvez seul, sans l'aide de personne, me secourir et
m'affermir de telle sorte que je ne sois plus sujet à tous ces changements, et que mon
coeur se tourne vers vous seul et s'y repose à jamais.
3.Si donc je savais rejeter toute consolation humaine, soit pour acquérir le ferveur, soit à
cause de la nécessité qui me presse de vous chercher, ne trouvant point d'homme qui
me console, alors je pourrais tout espérer de votre grâce et me réjouir de nouveau dans
les consolations que je recevrais de vous.
4.Grâces vous soient rendues, à vous de qui découle tout ce qui m'arrive de bien.
Pour moi, je ne suis devant vous que vanité et néant, qu'un homme inconstant et
fragile.
De quoi donc puis-je me glorifier ? Comment puis-je désirer qu'on m'estime ?
Serait-ce à cause de mon néant ? mais quoi de plus insensé ?
Certes, la vaine gloire est la plus grande des vanités, et un mal terrible, puisqu'elle nous
éloigne de la véritable gloire, et nous dépouille de la grâce céleste.
Car, dès que l'homme se complaît en lui-même, il commence à vous déplaire; et
lorsqu'il aspire aux louanges humaines, il perd la vraie vertu.
5.La vraie gloire et la joie sainte est de se glorifier en vous et non pas en soi; de se réjouir
de votre grandeur et non de sa propre vertu; de ne trouver de plaisir en nulle créature
qu'à cause de vous.
Que votre nom soit loué et non le mien; qu'on exalte vos oeuvres et non les miennes;
que votre saint nom soit béni, et qu'il ne me revienne rien des louanges des hommes.
Vous êtes ma gloire et la joie de mon coeur.
En vous je me glorifierai; je me réjouirai sans cesse en vous et non pas en moi, si ce
n'est dans mes infirmités.
6.Que les Juifs recherchent la gloire qu'on reçoit les uns des autres; pour moi, je ne
rechercherai que celle qui vient de Dieu seul.
Car toute gloire humaine, tout honneur du temps, toute grandeur de ce monde,
comparée à votre gloire éternelle, est folie et vanité.
Ô ma vérité, ma miséricorde, ô mon Dieu ! Trinité bienheureuse ! à vous seule louange,
honneur, gloire, puissance dans les siècles des siècles !
41. Du mépris de tous les honneurs du temps
1.Jésus-Christ: Mon fils, n'enviez point les autres si vous les voyez honorés et élevés
tandis qu'on vous méprise et qu'on vous humilie.
Elevez votre coeur au ciel vers moi et vous ne vous affligerez point d'être méprisé des
hommes sur la terre.
2.Le fidèle: Seigneur, nous sommes aveuglés et la vanité nous séduit bien vite.
Si je me considère attentivement, je reconnais qu'aucune créature ne m'a jamais fait
d'injustice, et qu'ainsi je n'ai nul sujet de me plaindre de vous.
Après vous avoir tant offensé et si grièvement, il est juste que toute créature s'arme
contre moi.
La honte et le mépris, voilà donc ce qui m'est dû; et à vous la louange, l'honneur et la
gloire.
Et si je ne me dispose à souffrir avec joie, à désirer même d'être méprisé, abandonné de
toutes les créatures et compté pour rien, je ne puis ni posséder au-dedans de moi une
paix solide, ni recevoir la lumière spirituelle, ni être parfaitement uni à vous.
42. Qu'il ne faut pas que notre paix dépende des hommes
1.Jésus-Christ: Si vous faites dépendre votre paix de quelque personne, à cause de
l'habitude de vivre avec elle et de la conformité de vos sentiments, vous serez dans
l'inquiétude et le trouble.
Mais si vous cherchez votre appui dans la vérité immuable et toujours vivante, vous ne
serez point accablé de tristesse quand un ami s'éloigne ou meurt.
Toute amitié doit être fondée sur moi; et c'est pour moi que vous devez aimer tous
ceux qui vous paraissent aimables et qui vous sont les plus chers en cette vie.
Sans moi, l'amitié est stérile et dure peu, et toute affection dont je ne suis pas le lien
n'est ni véritable ni pure.
Vous devez être mort à toutes ces affections humaines, jusqu'à souhaiter de n'avoir, s'il
se pouvait, aucun commerce avec les hommes.
Plus l'homme s'éloigne des consolations de la terre, plus il s'approche de Dieu.
Et il s'élève d'autant plus vers Dieu qu'il descend plus profond en lui-même, et qu'il est
plus vil à ses propres yeux.
2.Celui qui s'attribue quelque bien empêche que la grâce de Dieu descende en lui, parce
que la grâce de l'Esprit-Saint cherche toujours les coeurs humbles.
Si vous savez vous anéantir parfaitement et bannir de votre coeur tout amour de la
créature, alors, venant à vous, je vous inonderai de ma grâce.
Quand vous regardez la créature, vous perdez de vue le créateur.
Apprenez à vous vaincre en tout à cause de lui et vous pourrez alors parvenir à le
connaître.
Le plus petit objet désiré, aimé avec excès, souille l'âme et la sépare du souverain bien.
43. Contre la vaine science du siècle
1.Jésus-Christ: Mon fils, ne vous laissez pas émouvoir au charme et à la beauté des
discours des hommes, car le royaume de Dieu ne consiste pas dans les discours, mais
dans les oeuvres.
Soyez attentif à mes paroles qui enflamment le coeur, éclairent, attendrissent l'âme, et
la remplissent de consolation.
Ne lisez jamais pour paraître plus savant ou plus sage;
Etudiez-vous à mortifier vos vices; cela vous servira plus que la connaissance des
questions les plus difficiles.
2.Après avoir beaucoup lu et beaucoup appris, il en faut toujours revenir à l'unique
principe de toutes choses:
C'est moi qui donne à l'homme la science et qui éclaire l'intelligence des petits
enfants, plus que l'homme ne le pourrait par aucun enseignement.
Celui à qui je parle est bientôt instruit, et fait de grands progrès dans la vie de l'esprit.
Malheur à ceux qui interrogent les hommes sur toutes sortes de questions curieuses et
qui s'inquiètent peu d'apprendre à me servir !
Viendra le jour où Jésus-Christ, le Maître des maîtres, le Seigneur des anges, apparaîtra
pour demander compte à chacun de ce qu'il sait, c'est-à-dire pour examiner les
consciences.
Et alors, la lampe à la main, il scrutera Jérusalem: les secrets des ténèbres seront
dévoilés, et toute langue se taira.
3.C'est moi qui, en un moment, élève l'âme humble et la fais pénétrer plus avant dans la
vérité éternelle que ne le pourrait celui qui aurait étudié dix années dans les écoles.
J'enseigne sans bruit de paroles, sans embarras d'opinion, sans faste, sans arguments,
sans disputes.
J'apprends à mépriser les biens de la terre, à dédaigner ce qui passe, à rechercher et à
goûter ce qui est éternel, à fuir les honneurs, à souffrir les scandales, à mettre en moi
toute son espérance, à ne désirer rien hors de moi et à m'aimer ardemment par-dessus
tout.
4.Quelques-uns, en m'aimant ainsi, ont appris des choses toutes divines, dont ils parlaient
d'une manière admirable.
Ils ont fait plus de progrès en quittant tout, que par une profonde étude.
Mais je dis aux uns des choses plus générales; aux autres, de plus particulières.
J'apparais à quelques-uns doucement voilé sous des ombres et des figures; je révèle à
d'autres mes mystères au milieu d'une vive splendeur.
Les livres parlent à tous le même langage, mais il ne produit pas sur tous les mêmes
impressions, parce que moi seul j'enseigne la vérité au-dedans, je scrute les coeurs, je
pénètre leurs pensées, j'excite à agir, et je distribue mes dons à chacun selon qu'il me
plaît.
44. Qu'il ne faut point s'embarrasser dans les choses extérieures
1.Jésus-Christ: Mon fils, il faut que vous vous teniez dans l'ignorance de beaucoup de
choses, que vous soyez comme mort au monde, et que le monde soit mort pour vous.
Il faut aussi fermer l'oreille à bien des discours et penser plutôt à vous conserver en
paix.
Il vaut mieux détourner les yeux de ce qui déplaît et laisser chacun dans son sentiment,
que de s'arrêter à contester.
Si vous prenez soin d'avoir Dieu pour vous et que son jugement vous soit toujours
présent, vous supporterez sans peine d'être vaincu.
2.Le fidèle: Hélas ! Seigneur, où en sommes-nous venus ? On pleure une perte
temporelle, on court, on se fatigue pour le moindre gain, et l'on oublie les pertes de
l'âme ou l'on ne s'en souvient qu'à peine et bien tard.
On est attentif à ce qui ne sert que peu ou point du tout, et l'on passe avec négligence
sur ce qui est souverainement nécessaire, parce que l'homme se répand tout entier
au-dehors et que, s'il ne rentre promptement en lui-même, il demeure avec joie enseveli
dans les choses extérieures.
45. Qu'il ne faut pas croire tout le monde, et qu'il est difficile de garder
une sage mesure dans ses paroles
1.Le fidèle: Secourez-moi, Seigneur, dans la tribulation: car le salut ne vient pas de
l'homme.
Combien de fois ai-je en vain cherché la fidélité où je croyais la trouver ? combien de
fois l'ai-je trouvée où je l'attendais le moins ?
Vanité donc d'espérer dans les hommes; mais vous êtes, mon Dieu, le salut des justes.
Soyez béni, Seigneur, en tout ce qui nous arrive. Nous sommes faibles et changeants,
un rien nous séduit et nous ébranle.
2.Quel est l'homme si vigilant et si réservé, qu'il ne tombe jamais dans aucune surprise,
ni dans aucune perplexité ?
Mais celui, mon Dieu, qui se confie en vous et qui vous cherche dans la simplicité de
son coeur, ne chancelle pas si aisément.
Et s'il éprouve quelque affliction, s'il est engagé en quelque embarras, vous l'en tirerez
bientôt ou vous le consolerez, car vous n'abandonnez pas pour toujours celui qui
espère en vous.
Quoi de plus rare qu'un ami fidèle, qui ne s'éloigne point quand l'infortune accable son
ami ?
Seigneur, vous êtes seul constamment fidèle et nul ami n'est comparable à vous.
3.Oh ! que de sagesse dans ce que disait cette sainte âme: Mon coeur est affermi et fondé
en Jésus-Christ !
S'il en était ainsi de moi, je serais moins troublé par la crainte des hommes et moins
ému de leurs paroles malignes.
Qui peut prévoir, qui peut détourner tous les maux à venir ? Si ceux qu'on a prévus
souvent blessent encore, que sera-ce donc de ceux qui nous frappent inopinément ?
Pourquoi, malheureux que je suis, n'ai-je pas pris de plus sûres précautions pour
moi-même ? Pourquoi aussi ai-je eu tant de crédulité pour les autres ?
Mais nous sommes des hommes, et rien autre chose que des hommes fragiles, quoique
plusieurs nous croient ou nous appellent des anges.
A qui croirai-je, Seigneur, si ce n'est à vous ? Vous êtes la vérité qui ne trompe point et
qu'on ne peut tromper.
Au contraire, tout homme est menteur, faible, inconstant, fragile, surtout dans ses
paroles; de sorte qu'on doit à peine croire d'abord ce qui paraît le plus vrai dans ce qu'il
dit.
4.Que vous nous avez sagement avertis de nous défier des hommes; que l'homme a pour
ennemis ceux de sa propre maison, et que si quelqu'un dit: Le Christ est ici, ou il est
là, il ne faut pas le croire.
Une dure expérience m'a éclairé; heureux si elle sert à me rendre moins insensé et plus
vigilant !
Soyez discret, me dit quelqu'un, soyez discret; ce que je vous dis n'est que pour vous.
Et pendant que je me tais et que je crois la choses secrète, il ne peut lui-même garder le
silence qu'il m'a demandé; mais dans l'instant, il me trahit, se trahit lui-même et s'en va.
Eloignez de moi, Seigneur, ces confidences trompeuses; ne permettez pas que je tombe
entre les mains de ces hommes indiscrets, ou que je leur ressemble.
Mettez dans ma bouche des paroles invariables et vraies; et que ma langue soit
étrangère à tout artifice. Ce que je ne peux souffrir en autrui, je dois m'en préserver
avec soin.
5.Oh ! qu'il est bon, qu'il est nécessaire pour la paix, de se taire sur les autres, de ne pas
tout croire indifféremment, ni tout redire sans réflexion, de se découvrir à peu de
personnes, de vous chercher toujours pour témoin de son coeur, de ne pas se laisser
emporter à tout vent de paroles, mais de désirer que tout en nous et hors de nous
s'accomplisse selon qu'il plaît à votre volonté.
Que c'est encore un sûr moyen pour conserver la grâce céleste, de fuir ce qui a de l'éclat
aux yeux des hommes, de ne point rechercher ce qui semble attirer leur admiration,
mais de travailler ardemment à acquérir ce qui produit la ferveur et corrige la vie !
A combien d'hommes a été funeste une vertu connue et louée trop tôt !
Que de fruits, au contraire, d'autres ont tirés d'une grâce conservée en silence durant
cette vie fragile, qui n'est qu'une tentation et une guerre continuelle !